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Brettanomyces (Brett) : une guerre mondiale !

Brett
Brett, une odeur de sueur de cheval

Les Brettanomyces, un sujet particulièrement d’actualité ! Jamais il n’a été autant question de cette famille de levures responsables d’une myriade d’odeurs désagréables (odeurs dites phénolées) dans les vins rouges. Face à sa recrudescence depuis une dizaine d’années, le monde a déclaré la guerre aux Brett qui touchent indifféremment l’ensemble des régions et des pays producteurs de vin. Si les rouges sont principalement visés, les vins blancs peuvent aussi être concernés. Cette levure découverte dans la bière fut pour la première fois désignée par l’industrie brassicole britannique (British brewer) sous le nom de Brettano et myces pour champignon (fungus). Sa présence se caractérise par une augmentation de la teneur en phénols volatils tel que le 4-éthylphénol* entraînant des odeurs phénolées connues sous le terme de goût de Brett : goûts de plastique brûlé, de médicament, d’animal mouillé au vin, de cuir, d’écurie ou pire, de sueur, d’urine de cheval… un défaut majeur qui entraîne une sérieuse perte de qualité.

* Bioconversion de l’acide p-coumarique en vinyl-phénols par une souche de Brettanomyces bruxellensis. En effet, seules les Brettanomyces sont capables de transformer ces vinyl-phénols en éthylphénols (4-éthyl-phénol principalement, 4-éthyl-guaiacol et accessoirement 4-éthyl-catéchol), porteurs des altérations les plus importantes dans le vin.

Le quatrième défaut du vin depuis 2006

Brett
Brett or not Brett ? (Photo Shutterstock)

Cette levure d’altération du genre Brettanomyces dont Brettanomyces bruxellensis, et sa forme sporulante Dekkera bruxellensis (la vinyl-phénol réductas) est parfaitement adaptée aux conditions de fermentation. Responsable de la production des phénols volatils, elle peut survivre et se multiplier dans un milieu carencé, acide, alcoolisé et sulfité. Les Brettanomyces sont surtout connues pour agir dans le processus de formation des arômes au cours de l’élaboration du vin en altérant gravement sa typicité aromatique. Mais attention ! Une étude menée par InterLoire met en évidence la difficulté que rencontrent les dégustateurs à identifier les défauts de « Brett » dans des vins pourtant contaminés, souvent confondue avec des odeurs de réduction. La question se pose, comment est-il possible aujourd’hui de conditionner un vin sans qu’il soit contrôlé au préalable ?

Vouloir éliminer totalement Brettanomyces de la microflore des caves n’est pas souhaitable. On fait en sorte que ces molécules ne soient pas trop dominantes pour laisser au vin la possibilité d’exprimer sa véritable personnalité. Il est donc indispensable de bien gérer les populations à un niveau non nuisible du début de la vinification jusqu’à la mise en bouteilles. Et s’il fallait établir un classement dans les défauts du vin, le Brett n’arriverait qu’en quatrième position, loin derrière le goût de bouchon suivi par les odeurs dues à l’hydrogène sulfuré et à l’oxydation.

Quels sont les facteurs à risque ?

Cette catégorie de levures très répandues, est présente dans les chais et notamment dans tous les endroits mal nettoyés (caniveaux, robinets…) et parfois même sur les raisins. Mais sa détection sur le raisin est extrêmement faible (entre 0 à 3 % des levures présentes) et ne toucherait que des parcelles déjà contaminées. Il suffit alors de sulfiter la vendange à un niveau plus fort que la normale (7-8 g/hl).

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L’élevage en barrique et la mauvaise désinfection des fûts propices aux Brett
  • L’élevage en barrique et la mauvaise désinfection des fûts. Le bois de chêne n’est pas en cause lorsqu’il est neuf. Cependant, la structure microporeuse du bois représente un abri idéal pour les micro-organismes en général. Plus les barriques sont usagées, plus elles représentent une source de contamination. Le nettoyage des barriques à la glace carbonique sous pression semble prometteur.
  • Un moût ou un vin riche en acides phénols, précurseurs des éthyl-phénols.
  • Une hygiène mal maîtrisée. Il est indispensable d’isoler les cuvées contaminées et désinfecter tout matériel qui a été en contact.
  • La teneur en sucres résiduels du vin (lors de fins de fermentation difficiles) représente un autre facteur sensible. Le risque de contamination gênante augmente de manière exponentielle avec la teneur en sucres résiduels.
  • Des teneurs en SO2 (libre) faibles (Le SO2 ou dioxyde de soufre existe sous 2 formes : libre et combiné. La forme libre est dosée en milieu acide par titrage iodométrique direct). Donc, moins il y a de SO2 libre dans le vin, plus les teneurs en phénols volatils sont élevées et notamment les concentrations en éthyl-4-phénol*, cette molécule odorante indésirable qui est produite par les Brett. Par sécurité, il faut sulfiter en une seule fois, pour éviter de provoquer des résistances, en particulier au printemps, lorsque la montée du thermomètre est appréciée des Brett. Le risque de contamination se trouve donc au maximum quand le SO2 est faible, le pH élevé et la température supérieure à 15°C.

*Le seuil de perception moyen dans les vins rouges est de l’ordre de 450 µg/l pour les éthyl-phénols. Parmi les vins jugés phénolés, plus de la moitié (jusqu’à 70 %) ont des teneurs en éthyl-phénols (éthyl-4-phénol et éthyl-4-gaïacol) inférieures à 450 µg/l. L’éthyl-4-phénol est décrit avec des odeurs de cuir, de sueur de cheval, l’éthyl-4-gaïacol plutôt épicé, clou de girofle et l’éthyl-4-catéchol à odeur fumée, camphrée.

Brett
Brett est une levure connue sous le nom de Brettanomyces bruxellensis

Comment réduire ou éliminer les populations de Brettanomyces ?

Parmi de nombreuses méthodes pour éliminer les populations de Brettanomyces dont la stérilisation UV (UV-A germicide) ou l’utilisation de principes antibiotiques (interdite en œnologie), les plus courantes sont :

  • la flash-pasteurisation (ou traitement thermique du vin) pour la destruction de tous les types de micro-organismes.
  • la filtration*, une technique classique d’élimination des micro-organismes. Mais tout dépend de la porosité du media filtrant et son adaptabilité aux micro-organismes ciblés. Ainsi, pour les Brettanomyces, les cellules sont de petite taille et imposent une filtration avec un seuil de coupure inférieur à 1 µm pour une élimination totale. Dans tous les cas, il est conseillé d’effectuer une filtration juste avant la mise en bouteille (au moins à un micron). La présence d’une seule Brett dans la bouteille peut suffire en effet à recontaminer le vin (dès la chute du SO2).

*Des filtres à membranes : auparavant, les vins étaient filtrés sur des tamis ou des toiles. Aujourd’hui, des filtres à membranes complexes sont utilisés pour la rétention des particules responsables du trouble et des micro-organismes (filtration clarificatrice). Ce type de filtration est appelé filtration tangentielle. Dans ce procédé, le vin passe au travers d’une membrane avec un diamètre de pores bien défini (appelé seuil de coupure) à l’aide de la pression. D’autre part, l’Union européenne vient d’autoriser l’utilisation de membrane couplée à du charbon actif pour réduire un excès de 4-éthylphénol et 4- éthylgaïacol. Ce traitement physique consiste à utiliser des technologies associant la nano-filtration et le traitement par charbon actif désodorisant.

  • l’emploi de DMDC (le dicarbonate de diméthyle). Cet additif alimentaire permet d’éliminer les populations de Brettanomyces. Il vient d’être autorisé par l’Union européenne sur les vins à plus de 5 g/l de sucre résiduel avant l’embouteillage. A part le dioxyde de soufre, c’est le seul antiseptique chimique utilisable dans le vin.
  • l’utilisation de chitosane à 4 g/hl autorisée par l’OIV (Office International du Vin) depuis 2009 et par l’Union Européenne depuis mars 2011. Le chitosane (interdit en bio) est connu pour sa biocompatibilité et sa non toxicité. Il possède des propriétés antimicrobiennes contre les bactéries, les organismes fongiques et les levures. Le chitosane est un produit obtenu par la chitine, biopolymère (le polymère est une molécule formée de plusieurs molécules) issu d’organismes vivants le plus abondant sur terre après la cellulose. Elle se trouve dans les champignons et les algues mais aussi chez les insectes et crustacés, dans les mollusques et même dans certains fossiles.

Comment détecter la présence des Brettanomyces ?

La détection des Brettanomyces le plus tôt possible est cruciale pour éviter leur développement et la synthèse de ces molécules qu’il sera impossible à éliminer par la suite. Jusqu’à récemment précise Vincent Genty* fondateur en 2011 et gérant du Laboratoire Amarok Biotechnologies à Saint Malo, ce suivi était difficile à mettre en œuvre car les techniques de détection rapide disponibles manquaient de spécificité ou donnaient une réponse incomplète aux deux questions essentielles : y a-t-il présence de Brettanomyces et, si oui, sont-elles vivantes ou mortes ?

*Il est également membre actif de l’Association Française de Cytométrie.

La culture microbiologique

C’est la technique la plus ancienne. Elle utilise des cultures sur milieu gélosé* sélectif (la flore est composée à 99 % de Brettanomyces). Voici une méthode peu coûteuse mais qui nécessite un temps moyen de cinq à sept jours pour l’obtention d’un résultat confirmé. Les levures viables non cultivables (VCN) sont par ailleurs perdues.

* substance nutritive favorisant la prolifération et le développement dans le cas notamment des Brettanomyces.

La microscopie, autrement dit la visualisation des micro-organismes grâce à l’aspect des cellules. Seul un faible nombre de cellules peut être identifié. Mais la bio-détection par microscopie progresse. Elle allie optique et nanotechnologie en laboratoire grâce à une sonde d’or et d’ADN qui permet de détecter rapidement la présence de Brettanomyces, jusqu’à de très faibles concentrations. Résultats prometteurs pour identifier la moindre présence de Brett dans les vins.

Aperçu en microscope électronique à balayage de Brettanomyces

Méthodes d’identification génétique

Pour parer aux techniques traditionnelles souvent coûteuses, fastidieuses et peu précises, de nombreux laboratoires d’analyse du vin se sont orientés vers la PCR (Polylmerase Chain Reaction) en temps réel (qPCR) qui permet une identification et une quantification exceptionnellement rapides et hautement spécifiques des Brettanomyces. C’est une méthode de biologie moléculaire d’amplification génique in vitro. Elle permet de dupliquer en grand nombre (avec un facteur de multiplication de l’ordre du milliard) une séquence d’ADN du génome de la Dekkera bruxellensis. Seuls bémols, cette technique ne fait pas la distinction entre les Brettanomyces vivantes et les mortes. C’est également la technique la plus coûteuse.

Le Sniff’Brett, un test à faire presque soi même

Brett
Sniff Brett

Le test SNIF BRETT® consiste à faire une culture liquide de vin pour déceler la présence de Brettanomyces par la détection olfactive des éthyl-phénols après plusieurs jours d’incubation. La mise en place d’un test simple pour le contrôle des barriques est à présent possible grâce à l’utilisation de Sniff’Brett. Ce milieu de culture liquide permet en effet de détecter la présence de Brettanomyces à l’intérieur du bois après inoculation de copeaux extraits d’une barrique. Des tests microbiologiques Sniff’Brett permettent de détecter en 2-3 jours des contaminations très importantes sans avoir besoin de pipettes, boites ou filtres. Concrètement, le protocole est le suivant : 1/ensemencer avec 20 ml de vin ou de moût ; 2/observer ensuite chaque jour pendant 10 jours (à 30°C, ou 14 jours à 20°C) l’apparition d’un trouble puis de l’odeur caractéristique phénolée (très forte si elle survient). On a alors une correspondance entre le nombre de jours nécessaire à l’apparition de l’odeur et la quantité de Brettanomyces présentes initialement dans le vin :

  • 2 jours pour 106 cellules /ml,
  • 6 jours pour 103 cellules /ml,
  • 10 jours pour 1 cellule/ml.

La cytométrie de flux

Cette technique permet le comptage des cellules des micro-organismes après leur coloration avec un agent fluorescent détecté par un compteur de particules après excitation et mesure de la fluorescence. On peut connaître ainsi leur taille et leur viabilité et mesurer les VNC. Les  Brettanomyces resteraient en effet à l’instar de nombreux autres organismes à l’état viable mais non cultivable (VCN) pendant de longues périodes. La cytométrie de flux est une technique relativement simple et en plus très rapide (10 mn d’incubation, 3 mn de mesure) ce qui donne la possibilité de réagir à temps*. Il arrive aussi qu’elle surestime les risques de Brettanomyces (mais sans toutefois les sous-estimer). Par des tests, elle peut également déterminer la quantité de SO2 à ajouter pour éliminer une faible contamination.

*Tableau des contaminations aux Brett :

  • Moins de 200 cellules/ml : cuvée non ou faiblement contaminée.
  • Entre 200 et 2000 cellules/ml : cuvée contaminée. A surveiller et à stabiliser dès que possible.
  • Plus de 2000 cellules/ml : cuvée fortement contaminée. A isoler et à stabiliser.

Le Bretta Test d’Amarock Biotechnologie*

Bretta test est le premier test de laboratoire permettant de détecter, en moins de 2 h, les levures de type Brettanomyces et de donner en même temps leur état de viabilité ce qui aide à piloter la fermentation et à mieux doser les sulfites. Cette innovation a d’ailleurs été distinguée en 2015 au Salon des productions végétales d’Angers (le Sival).

Brett
Le Bretta Test permet d’itentifier les Brettanomyces viables et viables mais non cultivables

Les sociétés Amarok Biotechnologies et Vect’Oeur ont mis au point, à un prix abordable, cette méthode de détection spécifique par immuno-cytométrie qui est maintenant commercialisé par la société Vect’Oeur. Il permet d’identifier les Brettanomyces viables et viables non cultivables. Bretta Test est une méthode de détection spécifique des Brettanomyces par immunofluorescence. Elle utilise un anticorps, développé par Amarok Biotechnologies, produit à partir de Brettanomyces d’origines géographiques différentes et couplé avec un marqueur de viabilité. C’est ainsi la première méthode permettant de détecter dans le même temps les Brettanomyces et les non-Brettanomyces, et de déterminer la viabilité de ces levures. En moins de deux heures, Bretta Test permet de caractériser les levures vivantes et mortes. Couplé à la cytométrie, l’analyse d’une population cellulaire importante en un laps de temps réduit augmente l’efficacité d’identification des contaminants et permet de limiter les erreurs d’interprétation.

*Amarok Biotechnologies est un laboratoire de recherche privé créé en 2011 à Saint Malo, par Vincent Genty ancien responsable de la recherche et du développement de l’Institut Biotechnologique de Troyes (IBT). La société reprend une partie des activités qui étaient menées autrefois au sein de l’IBT. Elle s’est enrichie de services et de projets propres à la vision de son fondateur ; au coeur de son activité, la réalisation de tests de performance pour la mise en marché de solutions et de machines dans le secteur de l’analyse biologique. Elle a été reconnue Jeune Entreprise Innovante dès sa création et dispose de l’agrément au Crédit d’Impôt Recherche.

 

François

  • 1990 – Les grands vins du monde, préfacé par Gérard Depardieu. 
  • 1992 – Grands et petits vins de France, préfacé par Jean Carmet.
  • 1996 – Le guide des grands et petits vins de France, préfacé par Alain Favereau.
  • 2000 – The Flammarion Guide to World Wines
  • 2013 – Les vignobles mythiques, aux éditions Belin préfacé par Pierre Lurton (Cheval Blanc et Yquem).
  • 2014 – Prix Amunategui-Curnonsky décerné par l’APCIG (association professionnelle des chroniqueurs de la gastronomie et du vin).
  • 2016 – Cépages & Vins aux éditions Dunod.
  • 2020 – Cépages & Vins, nouvelle édition, éditions Dunod.

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