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Cabernet franc (cépage noir)

Château Ausone
A château Ausone Saint-Emilion Grand Cru Classé A, propriété mythique de 7 ha, le cabernet franc domine à 55 % contre 45 % pour le merlot

Dans la famille des cabernets, je demande le père. Le père, c’est lui, le cabernet franc, bien plus discret que le fils dont la carrière est planétaire. Cabernet Franc et sauvignon blanc s’étaient donné rendez-vous à Bordeaux, au XVIIIe siècle pour donner naissance à ce fils prodige, le cabernet sauvignon. Depuis, cabernet franc et cabernet sauvignon sont inséparables dans les assemblages, unis pour le meilleur à Bordeaux (avec le merlot notamment) et ailleurs dans le reste du monde ; les uns penchant plutôt vers le père (vallée de la Loire, bassin aquitain, sur des sols argileux et au climat océanique plus frais), les autres pour le fils plus sensible au froid et à maturité tardive (rive gauche de la Garonne avec le Médoc et les Graves). Ni l’un ni l’autre ne se sont empêché des parcours en solo, dans la Loire pour le cabernet franc (Chinon, Bourgueil…) ; dans les IGP du Languedoc où dans les pays du nouveau monde pour le cabernet sauvignon. Cependant, le cabernet franc quelque soit l’assemblage, n’est jamais le cépage majoritaire.

Un florilège de synonymes

Le cabernet franc est le 17e cépage le plus planté dans le monde avec 45 000 ha dont 36 000 en France. Il représente à peine le quart des surfaces consacrées au cabernet sauvignon, bien loin d’un « King Cab » insurpassable qui règne sur le monde de la Chine à la Californie !

Pourtant rien qu’en France, un florilège de synonymes accompagne le cabernet franc sur ses terres d’élection : bouchy à Madiran, bouchet à Saint-Emilion et à Bergerac, gros cabernet, carmenet, grosse vidure dans le Médoc, achéria dans le Pays Basque, etc.

Origines bordelaises oui mais après avoir traversé les Pyrénées !

Le cabernet franc est sans doute le cépage le plus ancien du bordelais. On le dit d’origine bordelaise bien que certains prétendirent qu’il fut apporté au début de notre ère depuis la Méditerranée par les Bituriges, d’où le nom biturica. D’ailleurs au XVIIIe siècle ne parlait-on pas de petite vidure pour le cabernet franc et de  grosse vidure pour le cabernet sauvignon. Alors, à qui donc se fier si ce n’est à la science, aux analyses ADN pour révéler son origine navarraise. Serait-ce le txakoli noir qui présente avec le cabernet franc une très forte analogie génétique ? La légende veut qu’il fût implanté dans le sud-ouest de la France grâce aux pèlerins de retour de Saint-Jacques de Compostelle.

Il est breton en Touraine et en Anjou

Le cabernet franc est le premier cépage rouge de Loire avec près de 16 000 ha, à égalité avec la Gironde. Mais sur les rives de la Loire, il est appelé breton. Certains voudraient que ce nom soit celui de l’abbé Breton, administrateur à Saint-Nicolas de Bourgueil (sur les terres du cardinal de Richelieu) qui au XVIIe siècle aurait planté le premier plant de cabernet franc dans la région. Pourtant, Rabelais au XVIe siècle dans une citation mentionnait déjà ce « bon vin breton » issu du « pays de Vernon » aujourd’hui Chinon. Sa culture présente pourtant certains risques. La Loire se situe à l’extrême limite de ses possibilités climatiques. C’est un cépage au débourrement précoce et au mûrissement tardif. Sur les bords de ce fleuve, il donne de grands vins rouges sur des terres argilo-calcaire avec la présence du tuffeau en sous-sol (Chinon, Bourgueil, Saint-Nicolas-de- Bourgueil, Saumur-Champigny) ; des vins vifs, fruités (fruits rouges : framboise, cassis, groseille, parfois mûre ou cerise) et floraux avec de fines subtilités vers la violette et l’iris ; des vins qui peuvent être bus jeunes.

 

Le breton à Chinon
A Chinon, le cabernet franc est appelé breton, l’unique cépage des Chinons rouges © E.Mangeat/CRT Centre Val de Loire

Le berton de Jean Carmet

Jean Carmet et Gérard Depardieu
Jean Carmet né à Bourgueil (à gauche) et Gérard Depardieu, unis dans l’amour des vins de Loire et du breton en particulier (Photo prise en 1990).

Qui incarnait le mieux cette soif de berton (comme on dit en terres ligériennes) si ce n’est l’enfant du pays, le comédien Jean Carmet ? Dieu qu’il aimait la gaudriole et les franches lippées, passions qu’il partageait avec son ami et voisin de Tigné en Anjou, Gérard Depardieu. Il resta toute sa vie le meilleur ambassadeur du Bourgueil et du Chinon vinifiés en monocépage. Des noms qui fleurent bon la soif qu’il sut si bien évoquer dans ces quelques lignes : Voilà pourquoi les vins de Loire (issu du breton) sont des vins simples qui s’expriment sans emphase. À condition qu’on les respecte, ils s’ouvrent pour vous offrir toutes les richesses de leur jardin. Ils aiment vous faire des surprises, vous attaquent quand vous les mâchez, vous embarquent dans leurs arômes, se rappellent à votre mémoire et, sans vous abandonner, tapissent votre palais de fraîcheur et de propreté. Un de mes amis, très célèbre, orfèvre en cabernet franc, converse avec ses flacons. Il leur demande de leurs nouvelles… Comment ont-ils passé l’hiver ? Sont-ils bien là où ils sont ? Il prétend avoir observé qu’une bouteille caractérielle peut très bien refuser de s’offrir en présence d’un malfaisant et retrouver tous ses arômes quand l’intrus a quitté la place (Extrait de la préface du livre : Grands et Petits vins de France aux Editions Hatier 1992).

Cabernet franc versus cabernet sauvignon

Le cabernet franc est moins coloré et moins tannique que le cabernet sauvignon auquel il est souvent associé (et assemblé). Il développe également moins de tannins et son expression aromatique (arômes de fruits noirs et rouges, épicés, floral…) varie selon les types de sols. On dit de lui que c’est un cépage capricieux, et fragile au moment des vendanges, qui peut révéler le meilleur comme le pire. Il est souvent utilisé en cépage d’appoint sauf sur certains crus de Saint-Emilion et de Pomerol, où il détermine souvent la qualité de la vendange.

Le cabernet franc, l’ADN du château Cheval Blanc

La grande originalité de Cheval Blanc est surtout, dans son encépagement très atypique du reste de l’appellation. Ici, le cabernet sauvignon est singulièrement absent alors que le cabernet franc (ou bouchet) est à hauteur de 60 %. Le merlot, s’il domine généralement à Saint-Emilion tout en régnant en maître sur Pomerol, ne représente ici que 40 % de l’encépagement. Les cabernets francs ont la particularité d’être issus du patrimoine génétique du château. Ils ont été implantés au milieu du XIXe siècle et continuent d’être multipliés et utilisés. Ils produisent de petits raisins qui mûrissent admirablement sur un terroir plutôt précoce. On leur doit complexité aromatique, fraîcheur et cette touche d’élégance qui ne se construit, précise Pierre Lurton (le directeur du château), jamais sur la force, mais autour de tannins veloutés, soyeux, fins, ces fameux tannins de cashmere, signature de Cheval Blanc. Et quelle belle complémentarité, ce sont ces cabernets francs qui invitent le merlot à voyager si élégamment dans le temps !

Cabernet franc à Cheval Blanc
A Cheval Blanc (Saint-Emilion Grand Cru Classé A), le cabernet franc représente jusqu’à 60 % de l’encépagement

Son implantation internationale

Le cabernet franc est présent en Italie (7086 h), surtout dans le Frioul où il est connu sous le nom de bordo (!) mais aussi en Espagne, en Bulgarie en Slovénie, en Croatie et en Hongrie. Dans le nouveau monde, on le trouve en Afrique du Sud vers Stellenbosch (1 % du vignoble, même proportion qu’en Argentine et en Australie) mais chacun s’accorde à lui prédire dans ce pays un brillant avenir. On le rencontre aussi en Nouvelle-Zélande et surtout au Canada, en Colombie britannique et dans l’Ontario sous les 3 appellations : Lake Erie North Shore, Niagara Peninsula et Prince Edward County. Il y est même réputé pour son ice wine.

Sous l’étiquette Meritage

Meritage Californie
Le cabernet franc se retrouve en Californie dans un assemblage de style bordelais (cabernet sauvignon, merlot, petit verdot et malbec) appelé Meritage

Aux Etats-Unis, il représente 3 % du vignoble (1500 ha). Il est assemblé (Bordeaux blend) avec le merlot et le cabernet sauvignon et vendu sous l’étiquette Meritage. Sa zone de production se situe principalement en Californie (Napa et Sonoma). Il y fait de plus en plus d’adeptes pour son style de vin plus frais, moins alcoolique, moins structuré qu’un cabernet sauvignon notamment. C’est le Loire-style Cab Franc ! D’ailleurs on commence à le produire en single varietal (en mono-cépage). Il semble gagner d’année en année d’autres territoires, d’autres états : Washington,  New York (Finger Lakes, Long Island), Virginie, etc.

Le cabernet franc dans les Finger Lakes
Le cabernet franc est le troisième cépage le plus planté dans les Finger Lakes, région de New York.

De Chinon à la Chine

Enfin, si l’Argentine et le Chili le produisent peu, il s’étend par contre en Australie (700 ha) et en Chine, sa nouvelle terre de conquête. Selon certaines estimations, il représente déjà presque 10 % du vignoble chinois. Le cabernet franc est présent dans toutes les grandes régions productrices de vins (péninsule de Jiaodong, Changli, Tianjin et Xinjiang). Un des meilleurs vins chinois n’est autre qu’un cabernet franc 2013 du Tiansi Vineyards Skyline de Gobi dans le Xinjiang, le Turkestan oriental, l’une des cinq régions autonomes de la République populaire de Chine, bien loin de la Loire et de la Garonne !

Le cabernet franc en Israel
Vignoble de cabernet franc en Galilée Supérieure (Israel). Ici Asaf Margalit de Margalit Winery

François

  • 1990 – Les grands vins du monde, préfacé par Gérard Depardieu. 
  • 1992 – Grands et petits vins de France, préfacé par Jean Carmet.
  • 1996 – Le guide des grands et petits vins de France, préfacé par Alain Favereau.
  • 2000 – The Flammarion Guide to World Wines
  • 2013 – Les vignobles mythiques, aux éditions Belin préfacé par Pierre Lurton (Cheval Blanc et Yquem).
  • 2014 – Prix Amunategui-Curnonsky décerné par l’APCIG (association professionnelle des chroniqueurs de la gastronomie et du vin).
  • 2016 – Cépages & Vins aux éditions Dunod.
  • 2020 – Cépages & Vins, nouvelle édition, éditions Dunod.

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