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Climat, changement climatique et la vigne

Le changement climatique s’est illustré une nouvelle fois avec des records qui ont marqué l’année 2015 suivi d’un hiver 2016 exceptionnellement doux. Ces températures supérieures à 1°C par rapport à la normale font de 2015, la troisième année la plus chaude depuis 1900. Ainsi, pour ne prendre que le mois de décembre 2015, les températures ont été de 3,9°C supérieures à la normale (l’équivalent d’un mois de mars normal) et le plus chaud sur la période 1900-2015.

Plus d’1° à la fin du siècle

Quand demain, le Languedoc aura le climat de l'Andalousie, au sud de l'Espagne
Quand demain, le Languedoc aura le climat de l’Andalousie, au sud de l’Espagne

De toute façon, quoi qu’il arrive, à la fin du siècle, la terre aura pris (au minimum !) 1°C de plus. Tel avait été la conclusion du colloque sur le réchauffement climatique et le vignoble organisé par la chaire Unesco Vin et Culture, à Dijon, il y a quelques années. Il faut savoir que 1°C de variation équivaut à un décalage climatique de 200 km plus au nord. Ce degré supplémentaire du essentiellement à l’effet de serre est  attendu avant la moitié du siècle. Ainsi, a-t-il été calculé qu’il fera le même temps à Colmar en Alsace qu’à Lyon et que vers 2060 cette ville subira la même météo qu’à Montpellier. Chablis en Bourgogne bénéficiera du climat de Mâcon et Bordeaux de celui d’Avignon.

Pour le Champagne, que du bonheur mais jusqu’à quand ?

Changement climatique floraison de la vigne dans 90 jours les vendanges (Champagne Belin)
Pour le Champagne, une floraison de plus en plus précoce annonçant des vendanges 90 jours plus tard (Champagne Belin)

Des étés toujours plus secs, des hivers pluvieux et doux sont-ils bons pour la vigne ? Sans aucun doute ! Les bourgeons vont éclore plus tôt et les raisins mûrir plus vite. Personne ne s’en plaindra chez les producteurs de vins rouges surtout si en juin, à la floraison de la vigne, la météo est clémente. Quant aux champenois et aux alsaciens pour qui acidité signifie climat frais, beaucoup de questions se posent pour leur avenir. Le degré d’alcool à la cueillette des raisins est passé ces dernières années de 9 à 10° en Champagne. Le niveau d’acidité est en baisse mais il est encore convenable. En contre partie, les raisins sont plus mûrs ce qui signifient plus d’arômes, donc des vins de meilleure qualité. Finis donc ces vins herbacés qui se rencontraient encore dans les années 1970 et 1980 !

L’Alsace, une terre à vins rouges !

Aujourd’hui les vins explosent en concentration pour la plus grande satisfaction des consommateurs. Mais si Bordeaux fait les meilleurs vins du monde, c’est aussi parce que le climat est tempéré. Avec un réchauffement continuel, les rendements vont baisser à l’unisson de la finesse de ces vins légendaires. On a aussi tout lieu de penser que l’Alsace deviendra un grand terroir pour le vin rouge mais qu’il sera de plus en plus difficile à la Bourgogne de continuer à vinifier de grands vins blancs.

Le nouveau monde touché de plein fouet

Des vignes irriguées en Californie près de Los Alamos avec risque accru de maladies
Des vignes irriguées en Californie près de Los Alamos avec risque accru de maladies

Si le sud-est de l’Angleterre est devenu en 20 ans une terre à Champagne élaborant des effervescents de très grande qualité, hors Europe, la situation risque d’être catastrophique. Ainsi en Afrique du Sud et en Australie, il ne sera pratiquement plus possible de produire des vins à leurs niveaux actuels (à l’exception de quelques secteurs). Quant aux Etats-Unis, la Californie va perdre sa suprématie sur les vins haut de gamme au profit d’autres Etats situés plus au nord comme l’Oregon ou l’État de New York. Partout on privilégiera les versants nord et l’altitude. Il faudra sans doute également choisir de nouveaux cépages plus tardifs ou des clones mieux adaptés au climat chaud. Voici donc  le grand défi de ces prochaines années en sachant que, lorsqu’un vigneron plante aujourd’hui, c’est pour quarante ans, voire plus.

Des conséquences qui sautent aux yeux

Les conséquences du changement climatique que nous subissons sont déjà bien visibles sur la physiologie de la vigne avec une avancée des dates de floraison. Bernard Ganichot, un œnologue rhodanien a calculé que depuis 1945, les vendanges notamment dans le Médoc et les Côtes du Rhône ont été avancées d’environ 1 mois entraînant une augmentation de la teneur en alcool de 1 à 2 degrés et une diminution de l’acidité. L’autre conséquence est la modification du cycle biologique des ravageurs et les conditions de conservation des champignons à l’origine des maladies de la vigne. L’Institut Coopératif du Vin (ICV) et l’entreprise BASF (Division Protection des plantes) avec la participation de l’Institut Français de la Vigne et du Vin (IFV) en dressaient le constat* sous forme d’une mise en garde sur la recrudescence des attaques de champignons et d’insectes ravageurs sur les raisins tout en soulignant les impacts sur les vendanges et la qualité du vin.

*Présenté à Paris en février 2016, aux Caves du Louvre.

Les 7 plaies d’Egypte du vignoble

Déjà confronté aux maladies du bois de la vigne (MDB), en recrudescence, le vignoble face au changement climatique voit s’abattre également une pluie d’autres maladies qui se propagent d’une manière inquiétante. A côté du mildiou, ennemi de la vigne toujours présent, un autre ennemi historique, l’oïdium, continue de s’étendre suite à l’évolution actuelle du climat. Par ailleurs, l’explosion du black-rot (ou pourriture noire) en 2015 dans certains vignobles du sud-est, constitue une très grave inquiétude pour les viticulteurs. Cette ancienne maladie a fait son retour. Depuis quelques années, elle était en forte recrudescence. Ainsi le black rot a-t-il entraîné la perte sèche de 5 millions de bouteilles dans le seul département du Gard.

Vigne attaquée par le black rot (Photo BASF)
Vigne attaquée par le black rot (Photo BASF)

L’oïdium, la plus ancienne maladie de la vigne et les insectes

A partir du début des années 2000, l’oïdium s’est étendu des vignobles méridionaux aux vignobles septentrionaux (Beaujolais, Bourgogne, Champagne) et atlantiques (Bordelais). Cette extension serait la conséquence du réchauffement climatique, associé à une augmentation des températures moyennes et à des moindres précipitations printanières et estivales. A ces préoccupations s’ajoutent des insectes. L’un entraîne de manière indirecte la mort des ceps due à une cicadelle (la cicadelle de la flavescence dorée), insecte piqueur véhiculant un phytoplasme (voisin d’un virus). 65% du vignoble français est aujourd’hui touché. L’autre, une chenille perfore les baies du raisin. Cet Eudémis, dont la pression augmente d’années en années peut entraîner la perte de récolte voire entacher sa qualité en absence de protection. Et que dire que ce nouvel insecte appelé Cryptoblabes gnidiella venu d’Amérique du Sud et dont l’identification officielle ne date que de 1999 (on le confondait avec l’Eudémis) ? Un seul rempart : le gel. Donc  pas de risque de propagation au-delà du pourtour méditerranéen, son aire de répartition historique à l’exception d’hivers particulièrement doux.

Pour l’oïdium, tout se joue dans la vigne

Jacques Rousseau de l'ICV
Jacques Rousseau  du groupe ICV (Institut coopératif du vin) : L’oïdium peut avoir des impacts quantitatifs très importants sur la récolte. Tous les symptômes sur grappe ne sont pas visibles au moment de la récolte. Les pertes totales de rendement sont donc souvent sous-estiméescar elles surviennent souvent beaucoup plus tôt, juste après la floraison. Paris, février 2016 (Photo FC)

Tout se joue dans la vigne, c’est ce qu’a pu démontrer le programme in vino qualitas mené par I’ICV et BASF pendant 6 ans pour mesurer l’impact de l’oïdium sur la vigne et la qualité du vin. Il a établi des seuils de nuisibilité au-delà desquels ces vins ne peuvent plus être décemment commercialisables.  Il faut savoir que l’oïdium a des effets négatifs en cascade sur la vinification. Le champignon parasite affecte la qualité des vendanges. La composition des raisins est altérée. Ils connaissent une mauvaise maturation. Les arômes indésirables sont plus nombreux et plus forts. Conclusion, c’est la qualité des vins qui est directement attaquée. On a donc  mesuré les seuils de nuisibilité de l’oïdium sur la qualité des vins grâce à des dégustations réalisées à l’aveugle par un jury d’oenologues.

Oïdium, ses seuils de nuisibilité

Ainsi pour ces professionnels, les défauts en bouche sont jugés rédhibitoires à partir de 13 % d’oïdium dans un vin rouge. Une dégradation s’opère à partir de 8 % d’oïdium dans la vendange avec pour conséquence des arômes de type moisi et une forte diminution des arômes fruités. Au-delà de 17 %, la qualité du vin est grandement altérée et en bouche, la sécheresse augmente pour finir de façon très agressive avec de fortes astringences et amertumes.

Le coût du traitement

En prenant l’exemple du Languedoc, un hectare de chardonnay à raison de 5 traitements annuels contre l’oïdium revient en moyenne à 200 € au producteur ce qui, reporté à une bouteille, correspond entre 5 et 10 % de son prix.

Des vignes résistantes aux maladies cryptogamiques (mildiou et oïdium)

Le plan Ecophyto fixe à 2025 l’objectif de réduire de moitié, l’utilisation de produits phytosanitaires. Défi loin d’être gagné ! Pourtant il y a des pistes dont certaines sont explorées notamment en Pays d’Oc (IGP). Ainsi, cette expérimentation de variétés résistantes aux maladies cryptogamiques comme le mildiou ou l’oïdium. Une vingtaine de cépages résistants ont pu être sélectionnés et qui, dégustés à l’aveugle en commission d’agrément, ont été validés avec en plus une bonne typicité ; des variétés qui dans un premier temps pourraient être introduites dans le cahier des charges, en cépages secondaires.

Liste des cépages résistants

Cabernet cortis
Cabernet cortis, cépage résistant aux maladies cryptogamiques (croisement de cabernet sauvignon X (merzling X (saperavi severnyi X muscat ottonel)

(la plupart d’entre eux sont des créations variétales italiennes)

  • Cabernet cortis,
  • Cabernet blanc,
  • Cabernet jura,
  • Sauvignon kretos,
  • Cabernet volos,
  • Merlot kanthus,
  • Merlot khorus,
  • Cabernet noir,
  • Sauvignon nepis,
  • Sauvignon rytos,
  • Cabernet eidos

Enfin, est-ce un signe de mondialisation ? La Chine premier vignoble mondial en termes de superficie a fait savoir qu’elle recherchait d’urgence, 3 millions de plants résistants. Si les pépiniéristes européens ne peuvent faire face à une telle demande, faisons confiance aux laboratoires et aux chercheurs chinois pour trouver rapidement une solution.

(Sources : Le Groupe Institut Coopératif du Vin, BASF et INRA)

François

  • 1990 – Les grands vins du monde, préfacé par Gérard Depardieu. 
  • 1992 – Grands et petits vins de France, préfacé par Jean Carmet.
  • 1996 – Le guide des grands et petits vins de France, préfacé par Alain Favereau.
  • 2000 – The Flammarion Guide to World Wines
  • 2013 – Les vignobles mythiques, aux éditions Belin préfacé par Pierre Lurton (Cheval Blanc et Yquem).
  • 2014 – Prix Amunategui-Curnonsky décerné par l’APCIG (association professionnelle des chroniqueurs de la gastronomie et du vin).
  • 2016 – Cépages & Vins aux éditions Dunod.
  • 2020 – Cépages & Vins, nouvelle édition, éditions Dunod.

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