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Chine, les investissements chinois à Bordeaux

Alors qu’il y a plus de cinquante ans, le 27 janvier 1964, la France était le premier pays de l’Occident à nouer des relations officielles avec la Chine (échange d’ambassadeurs), on s’inquiète aujourd’hui de l’omniprésence supposée des chinois dans le bordelais. Pourtant, les mentalités évoluent avec la reconnaissance par la Chine de toutes les AOC bordelaises.

La Chine reconnaît en 2016 toutes les AOC bordelaises

Après l’appellation Bordeaux  en juin 2015, la Chine annonçait un an après (juin 2016), la reconnaissance en tant qu’indications géographiques (I.G.) de toutes les AOC bordelaises de vin tranquille. Bordeaux est donc la première région viticole à bénéficier d’une reconnaissance de cette ampleur par le nombre d’appellations concernées. A ce jour seules 5 autres I.G. étrangères en vins et spiritueux étaient reconnues par la Chine (Cognac, Champagne, Napa Valley, Scotch Whisky et Tequila).

Le quart des vins de Bordeaux exportés en Chine

Cette démarche donne ainsi la possibilité aux autorités chinoises de lutter contre les usages abusifs. Inscrite dans le cadre de la loi chinoise, la reconnaissance des I.G. permet d’augmenter le niveau de protection des vins de Bordeaux auprès des consommateurs chinois. C’est aussi une mesure de soutien de l’interprofession au profit des 6 500 producteurs et 300 négociants de Bordeaux. Pour rappel, Bordeaux est la première région viticole au sein des importations françaises. La Chine constitue le 1er marché export en volume et en valeur des vins de Bordeaux. A lui seul, le marché chinois compte pour 1/4 des vins de Bordeaux exportés. S’il est vrai que ce pays est la première destination des vins de Bordeaux, les investissements chinois y progressent régulièrement. Alors la Chine serait-elle en train de conquérir Bordeaux ? Et pourtant ! A l’heure où Tracfin* du Ministère de l’Economie et des Finances enquêterait sur des fonds douteux investis dans le vignoble bordelais par des milliardaires de l’Empire du Milieu  ; que la Cour des comptes chinoise a lancé un vaste plan de lutte contre la corruption, pointant du doigt, quelques 14 châteaux bordelais acquis sur de l’argent public détourné grâce à des montages juridiques complexes, la question se pose : Bordeaux a-t-elle trop facilité la venue de ces princes noir de la finance ?

*Traitement du Renseignement et Action contre les Circuits Financiers clandestins.

la Chine serait-elle en train de conquérir Bordeaux ?

Aucun doute, le XXIe siècle sera l’âge d’or des chinois à Bordeaux ; la rencontre de deux mondes, celui du thé et du vin. Plus personne n’en doute. Avec bientôt une centaine de châteaux sous contrôle chinois, Bordeaux est devenu l’extension vinicole la plus occidentale de l’Empire du milieu. Leur but est d’investir à long terme comme le firent avant eux les Irlandais, les Hollandais, les Britanniques, les Américains et plus récemment, les Japonais et les Belges*. Ils sont aujourd’hui partie prenante de la grande histoire de Bordeaux comme le furent avant eux ces négociants venus de l’Europe du nord ; tous ces Thomas Barton (french Tom) qui débarquèrent un jour à Bordeaux attirés par cette terre mythique dédiée à la vigne, au business et au négoce. Bordeaux leur doit d’avoir bâti sa réputation planétaire. Alors, combien faudra-t-il de temps aux chinois pour constituer de grandes dynasties du vin et entrer de plein droit dans le panthéon de l’aristocratie viticole bordelaise ?

*Les Belges demeurent les premiers propriétaires devant les Chinois qui prennent la deuxième place des investisseurs étrangers à Bordeaux (en nombre de propriété)

Être châtelain, un must pour les chinois !

Château Latour Laguens
Château Latour Laguens propriété depuis 2008 du conglomérat Longhai basé à Quingdao (entre Pékin et Shanghai). Photo : Le Vin, le Rouge, la Chine de Laurence Lemaire (www.levinlerougelachine.com)

 

Dans ce vaste marché que représente le vignoble bordelais, les acheteurs chinois (privés ou organismes gouvernementaux) sont à l’image du dynamisme de leur société. On a affaire à des coups de poker capitalistiques, pied de nez à la fameuse doctrine du socialisme de marché. Pour certains, l’objectif est de sortir des capitaux de Chine pour les protéger. Pour d’autres, les buts sont moins avouables. Ces opérations leur permettent de blanchir de l’argent sale via des montages financiers complexes. Mais pour la plupart, c’est l’ambition de grands patrons élevés au lait du communisme. Ils sont devenus aujourd’hui châtelains dans le vin, symbole du luxe et de l’art de vivre à la française, signe par excellence de distinction et de bon goût. Beaucoup investissent pour produire mieux et développer l’œnotourisme. Ils voient dans ces achats, un gage de réussite, la fierté de posséder des vignes et un vrai château arrimé à une solide histoire mise en avant par l’étiquettes de leurs vins qui affichent en gros caractères, les 2, 3 ou 4 siècles d’existence.

En Chine, plus d’un million de millionnaires

Avec la Chine, tout semble avoir une autre dimension. En 2013, la Chine comptait 300 milliardaires (dont la famille Lam Koh) et 1,05 million de millionnaires dont la fortune pèse au moins 10 millions de yuans, soit 1,63 million de $. La société Brillant a lancé dans le Yunnan une stratégie identique à l’oenotourisme, à destination d’une clientèle chinoise haut de gamme avec sources thermales, bars, hôtels de luxe autour du thé et de la médecine traditionnelle chinoise. Il était donc tout naturel pour ce couple entreprenant d’acquérir un prestigieux domaine bordelais paré en plus d’un vrai château historique à la française selon l’imaginaire chinois. Le château de la Rivière, qui possède déjà 5 chambres d’hôte de charme, deviendra dans les années à venir un centre d’échanges culturels autour du vin rouge et du thé pu’erh doublé d’un complexe hôtelier très haut de gamme, sachant que le vin de la propriété pourra fournir les hôtels cinq étoiles du groupe Brilliant (voir plus bas).

Des vins exportés à 90 % en Chine

Château Laulan Ducos
Château Laulan Ducos dans le Médoc acheté par le roi chinois de la joaillerie, Richard Shen Dongjun

De ces transferts de propriétés, Bordeaux n’en tire que des bénéfices puisque les vins produits sous contrôle chinois sont à plus de 90 % exportés vers l’Empire du milieu pour être ensuite distribués dans des réseaux locaux. Ainsi Richard Shen DongJun, le très médiatique propriétaire (à titre personnel) du château Laulan Ducos, 22 ha à Jau-Dignac-Loirac dans le nord du Médoc, vend son vin dans la chaîne de joaillerie Tesiro (coentreprise entre le géant chinois Tongling Group et le belge Eurostar Diamond Traders) qu’il dirige. Il a fait de château Laulan Ducos (Lelang en chinois) une marque forte visant la classe moyenne allant jusqu’à le proposer pour les mariages…après la bague de fiançailles !

Une petite centaine de châteaux (sur 8000) sous pavillon chinois

2013 a vu l’emprise chinoise sur le Bordelais s’accentuer. Elle continue en 2014 mais sans prendre l’importance de ces dernières années. Aujourd’hui, plus de 90 châteaux sont passés aux mains des chinois. (Voir la liste des châteaux bordelais passés sous contrôle chinois).

Relativisons ! Seulement 90 sur 8000 châteaux que compte le Bordelais pour un vignoble de 115 000 ha, l’un des plus vastes au monde. Parlerait-on d’un péril belge, alors que les belges ont acquis une quarantaine de châteaux depuis ces trente dernières années ? Rappelons que la première acquisition chinoise, le château Latour-Laguens (60 ha) sur la commune de Saint Martin du Puy (un bordeaux supérieur) date d’août 2008. Elle est le fait d’une jeune Chinoise spécialisée dans l’importation de vins, Haiyan Cheng avec le soutien du groupe agro-alimentaire Longhai qui appartient à sa famille. Mais durant ces 12 derniers mois, la vague semble s’être accélérée avec 20 nouvelles transactions et cela malgré les différentes enquêtes anti-subvention et anti-dumping qui visent en Chine, les exportations de vin de la CEE et notamment français. Pas d’hostilité et aucune relation de cause à effet n’est à voir avec l’agression d’un groupe d’étudiants chinois en juin 2013 (juste avant Vinexpo) à Hostens, à 60 km au sud-est de Bordeaux. Un incident du à l’ébriété plutôt qu’à la xénophobie alors que les vins de Bordeaux n’ont jamais été aussi populaires (et aussi contrefaits, voir Castel) sur le marché chinois et qu’un grand nombre d’étudiants chinois se rendent en France pour apprendre l’œnologie !

La Chine, cinquième pays consommateur de vin

 

Vignoble Moët hennessy en Chine dans le Yunnan
Vignoble Moët hennessy en Chine dans le Yunnan

Des fouilles sur le site de Quingpu à Shanghai ont permis d’affirmer que la Chine boit du vin depuis 4000 av J.-C. et que certains moines bouddhistes avaient privilégié le vin plutôt que le thé dans leurs pratiques de méditation et d’éveil (qu’en est-il aujourd’hui ?). La vigne a d’ailleurs été longtemps cultivée, en particulier sous la dynastie des Han, de 206 av. J.-C. à 220 après J.-C.. Depuis une bonne dizaine d’années, la Chine a commencé redécouvrir le vin en focalisant essentiellement son choix sur le Bordeaux. La preuve, en 2012 Bordeaux y a écoulé 538 000 hl de son vin pour 600 millions d’€ ce qui équivaut à 27 % (y compris Hong Kong) de ses exportations dépassant même la Grande-Bretagne traditionnellement le plus gros marché des vins de Bordeaux. La Chine était en 2013 le cinquième pays consommateur de vin au monde. On prévoit qu’en 2016, sa consommation passera à 2,7 milliards de bouteilles soit 39 % de plus qu’en 2011. Aujourd’hui l’Empire du milieu est le 8e pays producteur de vin mondial et sans doute dès 2016, le 6e.

Aujourd’hui, un château sur deux (ou presque) vendu aux chinois

 

Château de Gevrey-Chambertin
En Bourgogne également. Le château de Gevrey-Chambertin acheté en 2012 par Louis Ng Chi Sung pour 8 millions d’€ pour 2 ha en appellation Vosne-Romanée et Nuits Saint-Georges (Photo FC)

Ici, à Bordeaux, on est loin du débat houleux que provoqua en Bourgogne le rachat en 2012 par Louis Ng Chi Sing, richissime résident de Macao, pour 8 millions d’€  du château de Gevrey-Chambertin et son domaine de 2,5 ha en appellation Gevrey-Chambertin. Cette vente se fit, il est vrai, au nez et à la barbe des viticulteurs locaux qui ne purent, face à cette offre, réunir que 5 m d’€. Une affaire qui alla jusqu’à prendre un tour politique avec le Front national : La France doit défendre ses trésors ! Pour les bordelais, pourquoi lutter contre une telle vague de fond ? Les propriétaires vendeurs ne sont-ils pas les premiers bénéficiaires de cette manne de yuans (100 yuans = 121,10 €) qui déferle sur Bordeaux, d’autant plus que les châteaux ne sont pas exportables ? Ensuite, les prix sont encore accessibles. Enfin, ces acquisitions sont très bénéfiques pour Bordeaux qui voit ses vins valorisés en Chine. D’après les professionnels*, 50% des propriétés bordelaises qui vont changer de main en 2014 seront vendues à des Chinois et les années suivantes, itou.

*Sources : cabinet immobilier Maxwell-Storrie-Baynes et Christie’s International Real Estate.

Pour l’actrice chinoise Zhao Wei, des achats plaisir (châteaux Monlot et Plain-Point)

 Zhao Wei
Zhao Wei, célèbre actrice chinoise, propriétaire du château Monlot à Saint-Emilion

On assiste aussi à des achats plaisir tel que l’acquisition du Château Monlot. Ce domaine de 7 ha à Saint-Emilion fut acheté à la famille Rivals en 2011 par la très populaire actrice chinoise Zhao Wei (l’une des 4 personnalités les plus célèbres de Chine selon le magazine Forbes en 2005) pour un montant estimé entre 4 et 5 millions d’€. Elle vient d’ailleurs de compléter ses emplettes en acquérant le château Plain-Point, fleuron de l’AOC Fronsac à Saint-Aignan (voir plus bas).

Pour le conglomérat COFCO propriétaire de la marque Greatwall, un investissement public

Achats privés mais aussi publics comme l’entreprise d’Etat COFCO (coté à Hong Kong), le plus grand conglomérat agroalimentaire chinois (21 milliards de $ de CA). Il  a pris possession en 2011 pour 10 millions d’€ du château de Viaud, 16 ha en appellation Lalande-de-Pomerol pour fournir son marché domestique. Il a actuellement pour manager Monsieur  JING Yang. En Chine, COFCO* détient la marque Greatwall (Changcheng en chinois ou Grande Muraille) le premier producteur viticole chinois avec sans doute le vin chinois (Greatwall), le plus connu à l’étranger. Son siège est à Shacheng dans la province du Hebei (à l’est de la Chine). Coïncidence étonnante ! Cette région a la particularité de se trouver à la même latitude que Bordeaux. Greatwall dont les vins proviennent des provinces du Hebei et du Shangdong est la toute première marque sur les quelques 500 qui prospèrent aujourd’hui en Chine. En 2008, c’était le vin officiel des Jeux Olympiques de Pékin.

*COFCO a aussi beaucoup investi dans le vignoble Chilien.

le vin Greatwall
En Chine, COFCO détient la marque de vin Greatwall (Grande Muraille)
Etiquette château de Viaud
Château de Viaud acquis par le groupe agro-alimentaire chinois COFCO

10 % de l’appellation Fronsac aux mains des chinois

A ce jour, l’AOC Fronsac dans le Libournais avec château de la Rivière en décembre 2013, recense 3 acquisitions chinoises qui couvrent 10 % de l’appellation, un chiffre record ! A titre de rappel, cette AOC libournaise compte 1 100 ha de vigne pour 120 producteurs (il reste donc encore de la marge !). Tout récemment le château Plain-Point à Saint-Aignan dans le Fronsadais, pas loin de Pomerol et de Saint-Emilion était cédé par Michel Aroldi (aujourd’hui à Pauillac) à l’actrice Zhao Wei, déjà propriétaire du château Mondot à Saint-Emilion. Cet ancien château fort construit sur les vestiges d’une villa gallo-romaine, avec ses 35 ha de vignes et trois chambres d’hôtes est entré dans l’escarcelle de la star chinoise qui illustrait en septembre 2013, la couverture du magazine Madame Figaro Chine. Enfin, depuis 2009, le château Richelieu (à 700 m du centre de Fronsac), propriété de 15 ha (aujourd’hui 26 ha de vignes) est détenu par la holding chinoise Hongkong A & A International holding group spécialisée dans le golf, l’immobilier et les vêtements de luxeCe château du XVIIe siècle fut l’une des premières propriétés du cardinal de Richelieu et de sa famille. A sa vente, elle était la propriété du Néerlandais, Arjen Pen, et de 17 autres actionnaires de diverses nationalités.

Le château de La Rivière acheté par le milliardaire chinois Lam Kok

Le château de La Rivière, proche de Libourne et des prestigieuses appellations Pomerol et Saint-Emilion, appartenait à la famille Grégoire depuis 2003. Ce vaste domaine de 90 ha en appellation Fronsac comprend 65 ha d’un seul tenant plantés en vignes dont 9 ha acquis en 2013. C’est le plus important vignoble du Fronsadais. Il est situé au confluent de la Dordogne et de l’Isle et rassemble 53 parcelles de terrains argilo-calcaires (mélange d’argile, de calcaire et de sable) sur des coteaux exposés plein sud dans une sorte d’amphithéâtre dominant la Dordogne. L’encépagement est dominé par le merlot à 82 % complété par 13 % de cabernet sauvignon, 4 % de cabernet franc et 1 % de pressac ou malbec. Quant aux cépages blancs, la répartition se fait entre 67 % de sauvignon blanc et 33 % de sauvignon gris. La production annuelle tourne autour de 360 000 bouteilles sous le contrôle de Claude Gros, œnologue conseil du château.

S’acheter une histoire

Cette propriété admirablement gérée possède un autre trésor, son inestimable château construit en 1577 sur les vestiges d’un camp défensif élevé par Charlemagne. La restauration au XIXème siècle s’est faite sous le contrôle des plus grands architectes de l’époque dont Viollet-le-Duc. C’est en grande partie ce qui a séduit la famille Lam Kok ainsi que les 3 ha de caves, idéal pour l’élevage du vin. On fait donc coup double. On s’achète un vignoble et sa légende, une grande et belle histoire concrétisée dans la pierre… et en plus si le vin est bon !

Château de La Rivière
Le château de la Rivière, le plus grand domaine de Fronsac

Tragique accident d’hélicoptère au château de la Rivière à Fronsac

Cet intérêt des chinois pour Bordeaux s’est malheureusement illustré fin 2013 par le tragique accident d’hélicoptère qui s’est abimé le 20 décembre dans les eaux de la Dordogne (en Gironde), tuant le nouvel acquéreur du château de la Rivière à Fronsac, le milliardaire chinois Lam Kok, son fils de 12 ans, Shun Yu Kok et son collaborateur et interprète, Peng Wang. James Grégoire, l’ancien propriétaire qui dans les années 60 avait fondé avec son père la société de machines à vendanger Grégoire, a également disparu dans le crash de l’hélicoptère qu’il pilotait lors d’un vol (un simple tour) qui devait survoler la propriété et ses alentours. La coïncidence ne pouvait que frapper les esprits ! Le précédent propriétaire du Château de La Rivière, Jean Leprince, avait, en février 2002, lui aussi trouvé la mort à l’âge de 66 ans dans un crash d’avion, et très curieusement dans cette même zone près de Libourne, en février 2002.

Elle refuse de monter à bord

Château de La Rivière
Après la mort accidentelle de son mari et de son fils, c’est Mme Lam Kok qui a repris la société Brillant, propriétaire du château de La Rivière

La veille du drame, James Grégoire et Lam Kok venaient de conclure la vente du château de la Rivière, une vente qui représente aujourd’hui le plus gros investissement chinois dans le vignoble bordelais (on parle de 30 millions d’€). A titre de comparaison, la propriété avait été acquise 12,5 millions d’€ par James Grégoire qui injecta 10 m d’€ supplémentaire pour la remise en jambe de l’outil de production et du château. Lam Kok, 46 ans, était le président de la société Brillant basée à Hong Kong, spécialisée dans les thés d’exception (2000 ha dans la province chinoise du Yunnan), l’immobilier touristique et plus particulièrement l’immobilier de luxe ; une société détenue par M. et Mme Lam Kok, dont c’était le premier investissement hors de Chine. C’est d’ailleurs cette dernière, Mme Liu Xiangyun Kok (présente lors de la vente mais qui refusa de monter dans l’hélicoptère) qui a repris les rênes de la société Brillant. Quand au château de La Rivière, après les cérémonies de bénédiction par 26 dignitaires bouddhistes venus de toute l’Europe, les affaires ont repris. Sa gestion a été confiée à son nouveau directeur général, Xavier Buffo nommé avant le crash. Au nom du groupe Brilliant, il s’est attaché à rassurer sur l’avenir du château. Il deviendra affirme-t-il un haut lieu d’échanges culturels franco-chinois fondé sur l’oenotourisme autour du vin et du thé, avec notamment la construction d’un complexe hôtelier haut de gamme.

Vin rouge et thé pu’erh

Thé Pu'erh
Le célèbre thé Pu’erh de la province du Yunnan en Chine

Dans le Yunnan, la société Brilliant a développé dans les années 2007 le triangle vert du thé pu’erh (thé post-fermenté qui doit son nom à la ville de Pu’er). Ce thé possède la faculté à l’instar du vin de se bonifier avec le temps. Ainsi plus il est vieux, plus il est cher et comme le vin, ce thé peut être classé selon sa méthode de production et suivant la région d’origine (sorte d’AOC) dont les secteurs les plus connus sont les Six Montagnes du thé dans le Xishuangbanna, une région limitrophe de la Birmanie, du Laos et de la ville-préfecture de Pu’er. Brillant y a construit des fermes de thé sur le modèle des domaines viticoles français.

French et china paradox !

Nous voulons faire de pu’erh le meilleur thé du monde, parce que c’est une boisson comparable au vin rouge français du point de vue de son charme historique, de sa culture, et de son potentiel de développement. Etonnante profession de foi de Mme Liu Xiangyun Kok, la nouvelle patronne de la société hongkongaise qui après la mort tragique de son mari ne pouvait que rassurer les bordelais sur l’avenir du château de la Rivière ! Car entre thé et vin, que de similitudes ! On cueille d’un côté, on vendange de l’autre. Tous les deux sont des boissons propices à la méditation, au plaisir et au partage. Combien de cépages pour la vigne, combien de théiers pour le thé ? Ils ont chacun leur grand cru, leur terroir, leur millésime, leur maître de thé et leur sommelier. N’ont-ils pas en commun tannins et polyhénols aux vertus anti-oxydantes (anti-cancer et anti-maladie coronarienne), gage de bonne santé ?

Le groupe Haichang, le plus grand collectionneur de châteaux bordelais visé par une enquête de la Cour des comptes…chinoise

 

Qu Nai Jie
Qu Nai Jie Président du goupe Haichang et Sylvain Boivert Directeur du prestigieux Conseil des Grands Crus Classés 1855

Le groupe Haichang dirigé par le milliardaire  Qu Nai Jie est en Gironde le plus gros propriétaire chinois. Il a acheté 23 des 90 propriétés viticoles girondines passées sous pavillon chinois dont le château Millaud-Montlabert, un Saint-Emilion Grand Cru (mais pas classé), soit en tout, 500 ha de vignes environ.  Il a fait fortune dans le pétrole, l’immobilier et les parcs à thème. Le groupe est basé à Dalian (province de Liaoning), au nord-est de la Chine, donnant sur le golfe de Corée, autrefois connue sous le nom de Port Arthur (conflit russo-japonais en 1904). C’est une ville balnéaire et touristique de 6,2 millions d’habitant très occidentalisée et très dynamique où le groupe a développé toute une stratégie de sensibilisation au vin. Il organise en accord avec la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Bordeaux en juillet, une fête du vin sur le modèle de Bordeaux fête le vin et un festival, le China-Dalian International Wine & Dine Festival. Depuis peu, un projet immobilier autour du vin à une heure de route de Dalian a vu le jour.

Le groupe Haichang aurait détourné des fonds publics

La Cour des comptes de Chine dans un rapport rendu public le mercredi 25 juin 2014 accuse la firme d’investissement Ruiyang et le Groupe Haichang d’avoir acquis des vignobles français sur des fonds publics chinois. Seraient-ce les 268 millions de Yuans (32 millions d’€) de fonds publics qui étaient destinés à l’acquisition de technologies étrangères ?

Dalian en Chine
La ville de Dalian, siège du groupe Haichang

Château du Grand Mouëys, l’alliance du vin et du Gouqi 

En quête lui aussi de reconnaissance, Jinshan Zhang s’offrait en 2012 le château du Grand Mouëys à Capian à l’est de Cadillac, dans l’Entre-deux-Mers. Il est président fondateur du groupe NingXia, premier fabricant de Gouqi (30 millions de bouteilles par an), l’alcool de fruit le plus populaire de Chine ; une boisson fermentée, à base de riz gluant, à laquelle on ajoute les baies de goji, un fruit aux vertus anti-oxydante qui ressemble à une cerise allongée et à la saveur légèrement sucrée.

Baie de goji
Gouqi ou baie de goji qui sert à élaborer avec du riz gluant une boisson fermentée très populaire en Chine

Jinshan Zhang s’achetait tout à la fois, prestige et château avec 170 ha dont 58,5 ha en AOC Côtes-de-Bordeaux. Et dans le package, il trouvait 20 siècles d’histoire : une villa gallo-romaine du Ier siècle, étape sur la route du pèlerinage de Saint Jacques dès le XIe siècle, fief des Templiers brûlés en 1305 avec en prime, trésor et souterrain cachés. Au cours du XIXe siècle le château ravagé par un incendie fut entièrement reconstruit dans le style néo-gothique.

En faire un grand vin

Le château était la propriété depuis 1989 d’un négociant allemand, Mickaël Bömers, dont les vins peu connus en France, étaient surtout exportés en Allemagne. Ils le sont encore mais cette fois ci en Chine (1 million de Bouteilles par an). Si le prix de la transaction (pilotée par MK Finance de Shanghai) n’a pas été dévoilé, on sait par contre que le nouveau propriétaire a mis 4 millions d’€ pour les travaux avec l’ambition de faire du Grand Mouëys, un grand vin mais aussi un hôtel de luxe avec salles de séminaire pour le tourisme d’affaire chinois, plus un restaurant avec cuisine française et chinoise, un golf, un tennis…

Jin Shan Zhang
Jin Shan Zhang, le nouveau propriétaire du château Grand Mouëys

Les Domaines Rolland sous pavillon chinois

Pan Sutong
Pan Sutong a repris en 2013, les 15 ha des domaines Rolland

Qu’est-ce qui poussa Michel Rolland le célèbre oenologue conseil auprès de 300 domaines à travers le monde à vendre ses châteaux* ? La famille cède des parts pour régler un problème d’indivision a déclaré Dany Rolland, son épouse. La SCEA des Domaines Rolland qui appartenait à Michel Rolland et sa famille est donc passée en 2013 sous pavillon chinois ; en tout 15 ha pour dit-on, 15 millions d’€ (au bas mot). L’acquéreur est un groupe d’investisseurs de Hong-Kong, la société Goldin Group dont le directeur Pan Sutong, est un passionné de vin et grand connaisseur de Bordeaux. Michel Rolland n’est autre que son consultant pour Sloan Estate à Rutherford dans Napa Valley (Californie) dont le chinois détient la propriété.

*Les domaines Rolland comprennent les châteaux Le Bon Pasteur à Pomerol (6,62 ha), Rolland Maillet à Saint-Emilion (3,35 ha) et Bertineau Saint-Vincent à Lalande de Pomerol (5,5 ha).

Huit acquisition en 2014

Mais d’abord la dernière acquisition de l’année 2013, fut celle du château Mylord à Grézillac (44 ha de vignes et une chartreuse). On le trouve entre Castillon-la-Bataille et Bordeaux, en appellation Entre-deux-Mers, entre la Garonne, la Dordogne et à la limite orientale du département de la Gironde. Château Mylord a été acheté à la famille Large, propriétaire du château depuis 5 générations par un investisseur chinois de Hong-Kong, Edwin Cheung qui a fait fortune dans l’immobilier. Edwin Cheung n’est pas un inconnu. C’est depuis une trentaine d’année, un grand amateur des vins de Bordeaux ce qui lui a valu d’avoir été intronisé dans la Commanderie du Bontemps et du Médoc. La propriété va reprendre son nom d’origine, château Milord, et sera gérée par la société bordelaise Optimum Vineyard Management & Consulting. La chartreuse du XVIIIsiècle et ses dépendances seront restaurées par les architectes Pascal Teisseire et Hugues Touton. Des travaux seront également entrepris pour moderniser l’outil de travail.

C’est fait, la Chine a son grand cru classé !

Cette frénésie d’achat ne touchait jusqu’à présent que des châteaux non classés. Mais pour la première fois en 2012 un Grand Cru Classé Saint-Emilion passait aux mains d’un investisseur chinois. Un certain Monsieur Wang, industriel qui emploie 20 000 personnes et posséderait 1% des minerais de fer en Chine dont il assure l’extraction, s’offrait le château Bellefont-Belcier. Le domaine de 20 ha dont 13 ha d’un seul tenant se situe plein sud, sur 3 terroirs principalement argilo-calcaires, entre Pavie et Larcis Ducasse, sur le coteau sud de Saint-Emilion. L’encépagement est à majorité merlot (70 %) avec 20 % de cabernet franc et 10 % de cabernet sauvignon. Le château appartenait depuis 1994 à trois associés, Dominique Hébrard, Alain Laguillaumie et Jacques Berrebi. La transaction porterait sur une fourchette entre 1,5 et 2 millions d’€ par hectare. Monsieur Wang ne voit pas Bellefont-Belcier comme une roue supplémentaire dans son activité, c’est vraiment pour lui un diamant souligne Emmanuel de Saint-Salvy, le directeur du domaine. Le nouveau propriétaire, qui vient de monter en Chine une société de distribution de vins entend faire de Bellefont-Belcier le produit phare de son commerce avec l’ambition lors du prochain classement des Saint-Emilion, d’atteindre la catégorie supérieure B voire A. Il a 8 ans pour cela, en 2022 !

Château Bellefont-Saint-Emilion
Château Bellefont-Belcier , le premier Saint-Emilion Grand Cru classé passé sous contrôle chinois

Mais pas seulement les châteaux !

Château et Bordeaux, deux mots magiques pour les Chinois mais pas seulement ! Un premier négociant de Bordeaux a été racheté en 2012 par des Chinois. Diva Bordeaux*, maison indépendante spécialiste des grands crus, a en effet cédé 70 % de son capital au géant chinois de l’agroalimentaire Bright Food. Concrètement, cette alliance va reposer sur l’entrée de Shanghai Sugar Cigarette and Wine (SSCW), une filiale de Bright Food, au capital du négociant bordelais.

* Diva réalise 92 % des 33 millions d’€ de son chiffre d’affaires à l’export, dont la moitié en Chine.

Bémols et vérités sur ces acquisitions

Il est certain que les investissements chinois se porteront de plus en plus vers des châteaux classés, une démarche initiée dès 2011 lors de la vente du prestigieux château Lascombes (un Margaux Deuxième Cru, classement de 1855) négocié 200 millions d’€. Après quarante années de gestion britannique, puis américaine, le fonds d’investissement américain Colony Capital l’a vendu à la MACSF (Mutuelle d’assurances du corps de santé français) en écartant l’offre chinoise. L’acquisition du château Bellefont-Belcier à Saint-Emilion est donc une première (voir plus haut). Le marché n’est pourtant pas aussi idyllique. Il montre aujourd’hui certaines limites dues notamment à un retour sur investissement qui n’est pas aussi prometteur. Pour preuve, de gros investisseurs chinois à Bordeaux dont le groupe Haichang, ont déjà remis sur le marché quatre châteaux après deux campagnes des primeurs (2011 et 2012) difficiles. Mais pas d’inquiétude pour eux, la planète vin leur est entièrement ouverte.

Bordeaux mais pas seulement Bordeaux

Bordeaux n’est pas en France, leur seule terre promise, voir leur intérêt grandissant pour les vignobles du Languedoc, des Côtes du Rhône et surtout de Bourgogne. Outre le château de Gevrey-Chambertin, les chinois sont devenus d’importants acquéreurs lors des ventes de vin des Hospices de Beaune. Les dernières enchères ont vu la pièce des Présidents revenir à une femme d’affaire chinoise. 17 pièces (sur 443 mises en vente) furent également adjugées à la compagnie Air China, pour constituer une sorte de cave céleste destinées aux passagers de première classe de ses routes internationales (Amériques et Europe). Mais il est vrai qu’en Bourgogne, l’absence d’un château est un sérieux frein aux investissements chinois car on le sait, les noms de châteaux font beaucoup plus vendre que le nom des domaines.

Ville de Bordeaux
Ville de Bordeaux (Photo FC)

La France n’est qu’un pays comme un autre puisque les investissements chinois se portent également sur l’Australie, l’Argentine, le Chili, la Californie, la Nouvelle-Zélande ou l’Afrique du Sud. Aucune crainte donc de voir l’ensemble de nos plus beaux fleurons viticoles passer avec terroirs et châteaux aux mains de propriétaires venus de l’Empire du milieu. Ne pas oublier que les français achètent aussi beaucoup de vignes en Chine et que les vins français progressent constamment sur le marché chinois. Donc, ne pas rire trop jaune, il y a de l’équilibre dans l’air !

Petites inquiétudes !

Les vins français dominent très largement le marché chinois avec près de 50 % de part de marché devant l’Australie (13 %) et l’Espagne (11 %). Si en volume, ils progressent d’environ 18 %, cette progression est cependant à pondérer face au 40 % de progression des vins espagnols notamment et au 12 % de chute en valeur que les vins français connaissent actuellement. Conclusion, le consommateur chinois boit de moins en moins de vins haut de gamme.

La chine, premier vignoble du monde à la fin de la décennie

Vendanges dans le Yunnan
Vendanges dans le Yunnan en Chine

La plupart des grands groupes français comme Castel, LVMH ou Pernod-Ricard sont en Chine à la recherche des meilleurs terroirs. Ils investissent par le biais des joint-ventures pour produire du vin chinois mais à destination du marché chinois. Ainsi, les Domaines Barons de Rothschild (DBR) sont-ils à Penglai, dans la province orientale du Shandong et LVMH dans la région septentrionale du Ningxia et dans la province méridionale du Yunnan…

Yantai province de Shandong
La ville de Yantai dans le Shandong, considérée comme le Bordeaux chinois

En 2020, la Chine deviendra le premier vignoble du monde en superficie et en volume avec comme modèle, Bordeaux. D’ailleurs, Yantai (près de 2 millions d’habitants) ville portuaire de la province de Shandong (surnommée le verger de la Chine) est déjà considérée comme le Bordeaux chinois. C’est la seule ville chinoise à avoir été reconnue dès 1987 comme Ville Internationale de la Vigne et du Vin par OIV (Organisation Internationale de la Vigne et du Vin). D’autres suivront, marquant le basculement inéluctable de la Chine, adepte des alcools forts à base de riz, bus généralement cul-sec, vers le vin. Il faut avouer que le gouvernement chinois a sérieusement aidé à cette révolution. Le baijiu (un alcool blanc très prisé) a été interdits aux fonctionnaires dans une campagne anti-luxe depuis 2013. Pour des chinois mieux éduqués, c’est un formidable coup de pousse pour le vin où la recherche d’un bon rapport qualité/prix est maintenant déterminante. Bémol donc pour les vins de Bordeaux trop souvent associés au luxe et à l’élégance ! Face aux espagnols et aux australiens notamment, ils sont en train de payer fort cher cette image.

La Chine premier marché export des vins de Bordeaux

La Chine est le premier marché export des vins de Bordeaux avec 49 millions de bouteilles. Hong-Kong est la septième destination export des vins de Bordeaux (10 600000 de bouteilles), mais le troisième marché en valeur (214 millions d’€). Hong-Kong est aussi devenue la première place mondiale pour les ventes de vins aux enchères.

(Sources : le Vin, le Rouge, la Chine de Laurence Lemaire  www.levinlerougelachine.com)

superhorus

  • 1990 – Les grands vins du monde, préfacé par Gérard Depardieu. 
  • 1992 – Grands et petits vins de France, préfacé par Jean Carmet.
  • 1996 – Le guide des grands et petits vins de France, préfacé par Alain Favereau.
  • 2000 – The Flammarion Guide to World Wines
  • 2013 – Les vignobles mythiques, aux éditions Belin préfacé par Pierre Lurton (Cheval Blanc et Yquem).
  • 2014 – Prix Amunategui-Curnonsky décerné par l’APCIG (association professionnelle des chroniqueurs de la gastronomie et du vin).
  • 2016 – Cépages & Vins aux éditions Dunod.
  • 2020 – Cépages & Vins, nouvelle édition, éditions Dunod.

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