Recevez les articles de Dico-du-Vin.com

Pas de SPAM, pas de revente d’adresses !

Romorantin (cépage blanc) Cour-Cheverny et Château de Chambord (Loire)

Le romorantin, cette variété blanche  ne monopolise qu’une seule appellation dans le monde, l’AOC Cour-Cheverny, en Sologne, près de Blois, dans la vallée de la Loire (rive gauche). Sa replantation aujourd’hui sur le domaine national de Chambord n’est qu’un retour aux origines de ce cépage si particulier, le romorantin.

Chambord plutôt que Romorantin

Château de Chambord
Château de Chambord. Le recensement effectué à la mort d’Henri II en 1552, témoigne de la présence de nombreuses vignes dans les fermes du château. Photo © François Collombet

C’est en effet François 1er qui fit venir 60.000 pieds de vigne de Bourgogne* pour les faire prospérer non loin du château de sa mère, Louise de Savoie, à Romorantin en Sologne (d’où son nom). D’ailleurs n’avait-il pas imaginé de faire de Romorantin, grâce aux plans établis par Léonard de Vinci, son château et sa capitale. Le projet tourna court en 1518 au profit de Chambord à 10 lieues de là. Les pieds de vigne furent plantés à l’automne 1517 sur la route de Pruniers (sur le chemin du Pont de Sauldre) à Romorantin, sur une propriété qui existe encore délimitée par un grand mur de pierres, le  mur des Beaunes (ou mur des biaudes). Il est d’ailleurs possible de consulter la facture pour cet achat aux Archives nationales. D’après le plan de 1673, la longueur du mur est indiquée en perches, ancienne mesure correspondant environ à un pied de 30 cm. Le mur avait alors une longueur de 217 m, avec un retour sur un chemin allant de Longueville à la route. Précisons cependant que la construction du mur n’était pas alors tout à fait terminée en direction de Romorantin.

* Ces soixante mille pieds de vigne venaient probablement des environs de Beaune. Ils constituèrent un vignoble planté à Villefranche-sur-Cher (à 10 km de Romorantin) pour la plus grande partie et, à Romorantin pour le surplus, route de Pruniers.

(Source : Société d’Art, d’Histoire et d’Archéologie de Sologne n°1, Premier trimestre 1987)

Croisement entre le pinot noir et le gouais

Grappe-de-Romo-270x360
Grappe de romorantin (Photo du domaine des Huards à Cour-Cheverny)

D’après les analyses génétiques, le romorantin serait le fruit d’un croisement entre le pinot noir et le gouais blanc (comme le chardonnay). Les grappes sont moyennes à grosses alors que les baies sont petites. Sur le terroir de Cour-Cheverny aux sols silicieux, le romorantin offre des vins assez fins, fruités et agréables aux notes d’abricot, de pêche, de miel et de fleurs blanches, un vin qui allie puissance, vivacité, finesse et une excellente aptitude au vieillissement. Il est vendangé à maturité tardive. Les vins sont vinifiés principalement en sec. Il permet de donner à ce cépage devenu très local, tout son potentiel d’expression. Un vin rare et très recherché pour son cépage !

Un terroir idéal pour le romorantin

En fait, l’aire d’appellation de Cour-Cheverny (donc du romorantin) couvre 11 communes avec une soixantaine d’hectares en exploitation. Il faudra dans un avenir très proche (2019) rajouter une dernière zone, le domaine national de Chambord dont le vignoble comprendra 7,5 ha plantés de romorantin. La première récolte est prévue pour 2019, date anniversaire du début de la construction de Chambord (voir plus bas).

  • Cellettes,
  • Cheverny,
  • Chitenay,
  • Cormeray,
  • Cour-Cheverny,
  • Huisseau-sur-Cosson,
  • Montlivault,
  • Mont-près-Chambord,
  • Saint-Claude-de-Diray,
  • Tour-en-Sologne,
  • Vineuil.

L’appellation Cour-Cheverny englobe une large bande bordant la Loire avec des coteaux rocailleux et sableux, du calcaire en profondeur qui affleure par endroits et des argiles à meulière. Sur le plateau en arrière de Cormeray, à Mont-près-Chambord, les sols sont plus profonds, la roche calcaire est à 2 ou 3 m sous des argiles épaisses et des cailloux en surface. Vers la Sologne, les sols deviennent plus maigres, du côté de Cour-Cheverny, avec des présences plus importantes de sables en surface.

Attention !  Ne pas confondre les appellations voisines : Cour-Cheverny et Cheverny. L’AOC Cheverny permet de produire des vins blancs, rouges et rosés. Les vins blancs sont issus d’assemblage avec notamment le sauvignon. L’AOC Cour-Cheverny comme on l’a vu ne produit qu’un vin blanc issu exclusivement du romorantin.

Sans doute la plus ancienne vigne de France

En 1999, Henry Marionnet, viticulteur à Soings en Sologne (Domaine de la Charmoise) célèbre dans le monde entier pour créer des vins purs, sans soufre, et non modifié par l’homme (c’est-à-dire francs de pied), achetait à un voisin, 36 ares d’une très vieille vigne composée à 75 % des pieds d’origine. Le cépage de cette vigne n’est autre que le romorantin dont l’ENSA de Montpellier a confirmé les origines pré-phylloxériques situant son âge de plantation vers 1850 en concluant : cette vigne ayant génétiquement résisté au phylloxéra, on peut affirmer qu’elle sera éternelle puisqu’un pied mort pourra être remplacé sans problème par marcottage. Elle sera donc là dans mille ans. Henry Marionnet et son fils, Jean-Sébastien, sont  sans doute aujourd’hui les heureux propriétaires de la plus ancienne vigne de France. A titre d’anecdote, le vin qu’il en tira fut servi à la reine Elizabeth II, lors de sa visite officielle en France en 2004.

Henry Marionnet à Chambord en juin 2015
Henry Marionnet à Chambord en juin 2015. Les pieds de romorantin plantés sont issus de la seule vigne pré-phylloxérique de ce cépage appartenant à la famille Marionnet. Photo © François Collombet 

A Chambord en juin 2015, on replantait de la vigne dont 2 ha de romorantin

Replanter les vignes de François 1er, 500 ans après leur introduction en Val de Loire sur ordre du roi lui-même, en 1519, est un acte fort et marque le lancement d’un projet majeur dans la stratégie de développement de Chambord. Le choix du cépage s’est porté, en plus du pinot noir*, sur le romorantin, variété blanche qui fut rapporté sur ordre de François 1er dans cette région de la Loire. Une partie de la vigne est d’origine exceptionnelle puisqu’il s’agit de plants de romorantin pré-phylloxériques, datant d’au moins 1840, appartenant à la famille Marionnet.

* Le pinot noir est le souvenir de l’auvernat, dont la présence est attestée à Chambord au XVIIe siècle.

Chambord juin 2015, on plante 2 ha de romorantin pré-phylloxérique
Chambord juin 2015, on plante 2 ha de romorantin pré-phylloxérique. Photo © François Collombet

Chambord, conservatoire de vignes historiques

Chambord juin 2015, Henry Marionnet plantant le premier plant de son romorantin pré-phylloxérique
Chambord juin 2015, Henry Marionnet plantant le premier plant de son romorantin pré-phylloxérique. Photo © François Collombet

La moitié des pieds de romorantin qui sont plantés à Chambord, sont issus de la seule vigne pré-phylloxérique de ce cépage, parvenue jusqu’à nous. Les pieds pré-phylloxériques n’ont subi aucune transformation génétique ni greffage. Ils donnent ainsi une production vinicole unique au monde, lointaine descendante des vignes de François Ier. Chambord, en tant que conservatoire des vignes historiques et naturelles, agit ainsi comme on le ferait pour la protection d’une collection historique.

Chambord, un vignoble de 12 ha

 Les 12 hectares d’un seul tenant* sont situés dans l’enceinte du domaine, près d’une ancienne ferme située à moins d’un kilomètre du château, au lieu-dit de l’Ormetrou à l’endroit où un clos de 6 ha est attesté par un plan de 1786 et par un acte notarié de plantation et d’entretien de cette vigne qui date du 9 février 1787. De ce lieu, on a une vue exceptionnelle du château.

  • 4 ha de pinot noir ont été plantés en mai 2015 ;
  • 2 ha de romorantin pré-phylloxérique plantés en juin 2015 ;
  • 2 autres ha de romorantin francs de pied plantés en 2016 ;
  • 3,5 ha de romorantin greffés plantés en 2016 ;
  • 0,5 ha de gamay planté en 2016.

* Les vignes de Chambord seront accessibles librement au public dans le cadre d’une grande promenade dont l’aménagement sera livré en  juin 2016.

Jean d'Haussonville qui dirige l'établissement public de Chambord fut l'initiateur de ce projet de replantation du romorantin à Chambord
Jean d’Haussonville qui dirige l’établissement public de Chambord fut l’initiateur de ce projet de replantation du romorantin à Chambord © Ludovic Letot

Pour financer les 32 km du mur d’enceinte

Ces vignes seront exploitées en régie directe, à l’aide d’un viticulteur recruté par le domaine, en contrat avec un laboratoire éco-certifié et en partenariat avec la famille Marionnet. En 2019, aura lieu la première récolte qu’on estime dans une fourchette de 50 à 60 000 bouteilles sous appellations AOC/AOP Cour-Cheverny pour le romorantin. Les bénéfices de la commercialisation de ces bouteilles serviront à la restauration et à l’entretien des 32 km de mur d’enceinte du domaine (le plus grand parc clos d’Europe).

Un projet de financement participatif  au titre du mécénat des particuliers est à l’étude. Chacun pourra parrainer un pied de vigne qui portera son nom avec droit d’option pour l’acquisition de bouteilles estampillées Chambord.

Il existait à Chambord quelques plants de chasselas, plantés par les derniers occupants de la ferme de l'Ormetrou, les frères Fortin
Il existait à Chambord quelques plants de chasselas, plantés contre l’enceinte du domaine, par les derniers occupants de la ferme de l’Ormetrou, les frères Fortin. Photo © François Collombet

Chambord, la Maison des vins de Cheverny et de Cour-Cheverny

Dès juillet 2015, les vignerons de Cheverny et de Cour-Cheverny ouvrent leur nouvelle maison des vins sur la place du village de Chambord (place Saint-Louis), face au château. La fréquentation de Chambord (classé au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1981) est un argument fort : près de 800 000 visiteurs par an. Une formidable opportunité pour un cépage encore si peu connu !

Plants de romorantin
Ces jeunes plants de romorantin feront demain la fierté du vignoble de Chambord. Photo © François Collombet

François

  • 1990 – Les grands vins du monde, préfacé par Gérard Depardieu. 
  • 1992 – Grands et petits vins de France, préfacé par Jean Carmet.
  • 1996 – Le guide des grands et petits vins de France, préfacé par Alain Favereau.
  • 2000 – The Flammarion Guide to World Wines
  • 2013 – Les vignobles mythiques, aux éditions Belin préfacé par Pierre Lurton (Cheval Blanc et Yquem).
  • 2014 – Prix Amunategui-Curnonsky décerné par l’APCIG (association professionnelle des chroniqueurs de la gastronomie et du vin).
  • 2016 – Cépages & Vins aux éditions Dunod.
  • 2020 – Cépages & Vins, nouvelle édition, éditions Dunod.

Table des matières

Voir aussi

Nos derniers articles

Voir aussi

Autres articles qui pourraient vous intéresser