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Viognier (cépage blanc) vallée du Rhône (Condrieu, Château Grillet…)

Viognier à Condrieu
Pieds de viognier sur le coteau de Chavanay à Condrieu (Domaine Grangier)

Le viognier, cépage blanc de la vallée du Rhône est à la conquête du monde. Merveilleux viognier, suprêmement élégant, il donne un vin si subtil qu’il est considéré comme hors du commun ! Ce cépage autochtone des Côtes du Rhône septentrionales débourrant comme le chasselas se décrit à petites grappes compactes, à petits grains et à peau épaisse de couleur blanc ambré qui se distingue par sa saveur légèrement muscatée. Sa vigne est généralement palissée car relativement sensible au vent. C’est un cépage qui resta si longtemps confidentiel qu’il fut presque oublié faute de vignerons pour le travailler.

Condrieu et château Grillet pour seul royaume

Son histoire montre qu’il a été le fruit exclusif d’une sorte de jardin d’Eden, dont le vin extrait de quelques arpents de vignes accrochées vertigineusement à l’aplomb du Rhône, a pour nom Condrieu.

Curnonsky
Portrait de Maurice Edmond Sailland, dit Curnonsky, le prince des gastronomes

Mais ce sont les 3,5 ha du château Grillet qui en représente la plus belle incarnation, un coteau abrupt d’arènes granitiques taillé en de minuscules terrasses, bien abrité dans un coude du fleuve. Là bat le cœur de son minuscule royaume que Curnonsky, le prince des gastronomes n’hésita pas à décrire comme produisant l’un des plus grands vins blancs de France.

Le monde devenu fou de viognier

Viognier en Australie
Le viognier à la conquête de l’hémisphère sud, en Australie

Mais depuis une trentaine d’années, le monde viticole a succombé à ses charmes au point d’en faire une véritable coqueluche et de créer outre atlantique The Viognier Guild, l’association des producteurs de Viognier. En France, on ne compte plus les départements du sud (Languedoc, Ardèche, Gard, Corse…) qui ont basculé pour le viognier. On est ainsi passé d’une petite vingtaine d’hectares en 1958 aux 5420 ha d’aujourd’hui. Et le reste du monde s’est engouffré dans cet engouement, la Suisse, l’Autriche le Portugal, l’Espagne, la Grèce mais aussi le nouveau monde où il est devenu l’un des principaux cépages blancs, souvent proposé en monocépage : 1400 ha en Australie* (le plus gros producteur de l’hémisphère sud) ; 1200 aux Etats-Unis où il est vinifié seul ou assemblé au chardonnay, au chenin blanc ou au colombard ; 700 en Argentine, 300 au Chili sans oublier l’Afrique du Sud où il commence une carrière fulgurante jusqu’au Brésil et au Mexique…

*En 1980, alors qu’il ne restait que quelques hectares de viognier, Peter Wall, viticulteur et producteur australien sous le nom de Yalumba, le découvrit en France et fut le premier à l’acclimater avec succès en Australie.

Château Grillet
Château Grillet surplombant le Rhône, au royaume du viognier
©chateau-grillet.com

Un cépage qui fait rêver

Voici un cépage qui joue entre rusticité et fragilité. D’abord, il est peu fertile, à peine 30 hl/ha lors des bonnes années. S’il lui faut des sols relativement profonds pour éviter les risques de sécheresse, la terre doit être aussi maigre que possible pour le contraindre à des rendements bas. Il a un besoin endémique de soleil pour développer son exceptionnel potentiel aromatique. Mais quel paradoxe, il supporte difficilement la chaleur. Son débourrement précoce l’expose aux gelées de printemps mais n’a-t-il pas pour lui sa rusticité et son peu de sensibilité aux maladies et à la pourriture grise. Ses vins sont souvent amples et gras. Sans doute un défaut lorsqu’il est récolté à haute maturité. Pourtant il a besoin de chaleur pour bien mûrir sachant qu’il donne ses meilleurs résultats aromatiques autour de 13°. Alors, avec autant d’atouts quel vigneron dans le monde apte à l’élever n’a pas rêvé de se l’accaparer, quitte à l’abandonner ensuite aux IGP, aux assemblages hasardeux ou pire à la médiocrité.

Syrah et viognier, un mariage d’amour

Sans doute est-il apte et avec bonheur à élaborer des vins moelleux ou effervescents. Il a d’ailleurs longtemps été apprécié comme un vin doux, récolté souvent vers la Toussaint (un vin qu’on essaie de retrouver aujourd’hui) avant de devenir le vin sec que l’on connaît. Mais le viogner a pour lui un mariage d’amour réussi ; un mariage loin d’être une mésalliance mais plutôt de bon voisinage ; un mariage qui pour le meilleur perdure (déjà attesté en 1781) entre la serine noire et le vionnier blanc, autrement dit entre la syrah et le viognier, les deux cépages indigènes de la vallée du Rhône. C’est deux là (peut-on dire !) se touchent. La Côte-Rôtie est à quelques kilomètres de Condrieu, un peu plus au nord sur la même rive du fleuve. C’est la seule appellation des Côtes du Rhône septentrionales à pouvoir ajouter du viognier (maximum 20 %) à la Syrah et le résultat est magnifique : un apport de moelleux, de fraîcheur, de finesse, d’élégance et d’arômes !

La Côte-Rôtie donnant sur le Rhône
La Côte-Rôtie (donnant sur le Rhône), où le viognier (20 %) est associé à la syrah.

Rêvez le viognier

verre de viognier
Un verre de viognier prêt à être dégusté

Dans viognier, serait-ce la contraction imaginaire de la vigne et du citronnier qui enchante tant le palais grâce à cette très légère pointe d’acidité mise sur le compte de la fraîcheur qui en fait la renommée. Et puis sous sa robe souvent marquée par une légère nuance orangée, n’est-ce pas un petit air de paradis qui émane de ce vin aux arômes de fleurs blanches, de violette de jasmin et de chèvrefeuille ? En y portant les lèvres, voici une corbeille d’abondance regorgeant (selon son élevage) de fruits exotiques, d’orange, de citron, d’abricot, de pêche blanche et plus tard d’épices douces et de miel qu’il offre à ses admirateurs.

Du rêve à la réalité

Indéniablement, le berceau du viognier est à Condrieu dans les environs de Vienne (au sud de Lyon) et en bordure du Rhône, sur les contreforts du Massif Central. La tradition veut qu’il fût apporté par l’empereur Probus des provinces illyriennes de la côte Dalmate, un empereur du IIIe siècle connu pour avoir été le restaurateur de la viticulture gallo-romaine. Mais la science a parlé par le biais de son analyse ADN réalisée grâce aux chercheurs de l’Université Davis de Californie en 2004. Pas de doute, il est bien d’origine alpine. On a même découvert une de ses descendantes, la freisa (cépage rouge), proche du nebbiolo, dans le Piémont italien. Son nom viognier vient d’ailleurs du celte vidu (bois) qui se retrouve dans le toponyme savoyard vions, noté en tant que vione en 1365.

Une longue déchéance  

Ce cépage a traversé l’histoire confiné aux quelques collines entourant Condrieu ; hors ces lieux, point de salut ! Voir ces plantations en terrasses à entretien continuel, brûlées par le soleil, accusant des pentes de 20% et 30% (ce qui rend l’exploitation des vignes particulièrement dangereuse), fait mieux comprendre que le paradis du viognier peut aussi être un enfer pour les hommes. Et pourtant ne dit-on pas qu’il fut apprécié des papes d’Avignon et qu’au XVIe siècle le Chapitre lyonnais l’offrait aux invités de marque. Le phylloxéra combiné à la Première Guerre mondiale, à la crise des années trente et à l’industrialisation de la région provoqua son abandon. Il réussit à survivre sur à peine quelques hectares (8 ha en 1965) soit l’équivalent d’une petite exploitation viticole.

Un éclatant risorgimento

Condrieu : Les Chaillées de l'enfer
A Condrieu, Les Chaillées de l’enfer, un viognier mythique (Domaine Georges Vernay)

Vingt ans plus tard, Condrieu ne recensait encore que 20 ha plantés en viognier sur les 170 définis lors de la création de l’AOC en 1940 (couvrant également les communes de Vérin et de Saint-Michel). Pour rappel, la reconnaissance de l’appellation monopole Château Grillet a précédé celle de l’AOC Condrieu de quatre ans, en 1936. Puis le viognier connut son risorgimento. Il le doit entre autre à la famille Vernay au début des années 1950 et notamment à Georges Vernay qui contribua à sa sauvegarde en restaurant les terrasses, en replantant les coteaux et en le faisant reconnaître (sans parler un mot d’anglais) sur le plan international. Aujourd’hui le domaine (Georges Vernay) qu’il contribua à créer est entre les mains de sa fille Christine : 20 ha dont 7 ha en Condrieu et deux cuvées mythiques : Coteau de Vernon et les Chaillées de l’Enfer (vignes issues de sélections massales de 50 ans).

Un vin tendance à un avenir planétaire  

Sa force, c’est sa capacité à allier acidité et rondeur, le tout avec une richesse aromatique exceptionnelle. De tous les cépages blancs, le viognier est aujourd’hui celui qui partout dans le monde est tendance. Loin de lui l’idée de détrôner le roi chardonnay, mais il a la place à part d’un vin qu’on reconnait entre mille. Il est parti à l’assaut de la Californie et des autres Etats viticoles du pays, épaulé par les Rhône Rangers, en compagnie des autres cépages rhodaniens (syrah, grenache, mourvèdre, roussane, marsanne…). Nul doute qu’on continuera à le planter un peu partout dans le monde. Bel revanche pour un cépage dont un rapport en 1975 titrait : Le viognier est-il condamné ?

Le viognier
Le viognier, l’unique cépage de l’appellation Château Grillet

François

  • 1990 – Les grands vins du monde, préfacé par Gérard Depardieu. 
  • 1992 – Grands et petits vins de France, préfacé par Jean Carmet.
  • 1996 – Le guide des grands et petits vins de France, préfacé par Alain Favereau.
  • 2000 – The Flammarion Guide to World Wines
  • 2013 – Les vignobles mythiques, aux éditions Belin préfacé par Pierre Lurton (Cheval Blanc et Yquem).
  • 2014 – Prix Amunategui-Curnonsky décerné par l’APCIG (association professionnelle des chroniqueurs de la gastronomie et du vin).
  • 2016 – Cépages & Vins aux éditions Dunod.
  • 2020 – Cépages & Vins, nouvelle édition, éditions Dunod.

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