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Château d’Yquem (Sauternes)

Château d’Yquem, un vin qui tend au chef-d’œuvre absolu !

Château dYquem, unique Premier cru supérieur classé en 1855, de l’appellation Sauternes, est un vin qui tend au chef-d’œuvre absolu.

Château d’Yquem, à ses pieds,113 ha de vignes composés de 150 parcelles de sols différents. Une centaine d’ha sont en production et une douzaine en repos après replantation. Photo © François Collombet
Carte du château d'Yquem
Carte d’Yquem dans le Sauternais (Cartographie Alexandre Nicolas)

Yquem, un véritable château médiéval, une imposante forteresse du XVIe siècle

Combien sont ces vins dans le monde à avoir le pouvoir de faire rêver  autant qu’Yquem ? De plus, parmi tous les plus prestigieux crus du Bordelais, Yquem est le seul à posséder un véritable château médiéval avec ses tours rondes, ses tours carrées et ses murs crénelés. Aujourd’hui encore, cette imposante forteresse du XVIe siècle, inscrite aux Monuments Historiques depuis 2003, domine de son incroyable perfection le Sauternais. A ses pieds, son vignoble entretenu comme un jardin, ondule en pentes douces vers la Garonne. C’est ce vallonnement qui induit des écosystèmes différents selon les parcelles faisant la richesse d’un terroir béni des dieux.

La conversion à la viticulture biologique du château d’Yquem pour une certification dès le millésime 2022. Photo © François Collombet

Le génie des lieux

Yquem pourrait se résumer à trois croupes, les plus hautes de l’appellation dotées d’une incroyable alchimie. Elle offre en surface, des sols chauds et séchant faits de galets de grosses graves tout en bénéficiant d’une certaine humidité en raison de la nature argileuse du sous-sol. Car ici, qui pourrait le croire, sur les pentes d’Yquem de nombreuses sources affleurent au point d’avoir obligé le château à drainer ses vignes dès le XIXe siècle (100 km de drains). Le domaine couvre aujourd’hui 113 ha de vignes dont une centaine en production et une douzaine en repos après replantation. Le vignoble est composées de sémillon à 80 % riche et séveux qui fournit charpente et volume et de sauvignon précoce mais moins régulier qui complète le vin par ses arômes et sa finesse.

Sur les pentes d’Yquem, de nombreuses sources affleurent. Photo © François Collombet

Château d’Yquem en bio, premier millésime bio, 2022

A la demande de Bernard Arnault, le président de LVMH, la conversion à la viticulture biologique du château d’Yquem s’est amorcée depuis plusieurs années, pour viser une certification dès le millésime 2022. Il faut dire que le vignoble n’a jamais été désherbé chimiquement et qu’il a toujours été fertilisé avec des composts réalisés sur place. Alors que le millésime 2020 a été mis en marché en mars 2023, on peut dire que le millésime a été difficile ! Une année 2020 particulièrement délicate. Ainsi, pour lutter contre un mildiou très virulent cette année-là : nous avons alterné les hydroxydes et oxydes de cuivre, avec une résine de pin pour plus coller. Nous avons utilisé des biocontrôles autorisés (Blason) et des huiles essentielles d’orange pour sécher plus vite les feuilles… Avec du souffre à chaque fois, par crainte du black-rot précise Francis Mayeur, directeur technique du château d’Yquem. Ce passage au bio a été marqué par la réduction du travail du sol (une meilleure couverture végétale), l’installation d’épandage phyto adapté à la végétation (avec des capteurs infrarouges de la startup Diimotion), réduction du bilan carbone grâce notamment aux premiers tracteurs électriques, etc.

A peine un verre par pied de vigne

La production est limitée à un peu moins de 9 hl par hectare avec l’objectif d’obtenir des vins à 20° d’alcool naturel soit 14° sur pied en maturité physiologique (le botrytis faisant le reste). Les vendanges se prolongent pendant deux mois (en 1985, elles se sont terminées le 19 décembre) avec six ou sept passages en moyenne. A Yquem, on vendange souvent l’après-midi, après la dissipation des brouillards matinaux. A chaque automne sonne donc l’heure de vérité. Le raisin est cueilli à la main, grain par grain. Certaines grappes exigent jusqu’à quatorze tries ; beaucoup sont jetées. Ici, en moyenne on tire à peine un verre par pied de vigne. Le raisin est pressé dès son arrivée au chai et le moût entonné dans des barriques de chêne neuves le lendemain matin où il fermentera de deux à quatre semaines.

Château d’Yquem, ici le sémillon représente 80 % de l’encépagement contre 20 % pour le sauvignon. Photo © François Collombet

Des bouchons armés pour un très long vieillissement

Commence ensuite la longue période de l’élevage rythmé par deux ouillages hebdomadaire et tous les 3 mois par des soutirages de barrique à barrique. Elle  se terminera avec la mise en bouteilles au cours du quatrième printemps suivant les vendanges avec des bouchons de 54 mm seuls capables de résister à un temps qui peut se révéler incroyablement long.

La malédiction des vingt ans

Pour ne pas sacrifier à la qualité, il arrive que dès la fin des vendanges à cause notamment de mauvaises conditions climatiques, le château prenne la décision de se priver d’un millésime. C’est le cas de 2012, du à une excellence insuffisante conséquence d’une nature qui ne fut pas au rendez-vous. 1012 est donc la première année du XXIe siècle à subir ce sort contre neuf au XXe siècle dont 1952, 1972 et 1992. Existerait-il alors une malédiction des vingt ans telle que le suggère dans un demi-sourire Pierre Lurton, son directeur ? Ou quand les années se finissant en 2 ! Sans doute pas ! 1982 et 2002 furent de bons millésimes et 2022 s’annonce comme étant le premier grand millésime bio du Château d’Yquem.

La production

  • Seul le meilleur vin du domaine est vendu sous le nom de château d’Yquem, donnant selon les années entre 90 000 et 95 000 bouteilles. Elles ont l’honneur de porter l’étiquette sans doute la plus célèbre du monde et qui par dérogation exceptionnelle n’a pas obligation à faire figurer toutes les mentions légales obligatoires comme un autre vin (elles le sont mais sur la contre-étiquette).
  • Le château produit également certaines années lorsque les conditions le permettent « Y » un grand blanc sec du Sauternais composé à part égale de sémillon et de sauvignon.

Château d’Yquem millésime 2019

Si le millésime 2019 n’a pas été mis en vente avant mars 2022 au lieu de septembre 2021, comme c’était le cas auparavant, en revange, le vin blanc sec « Y d’Yquem » 2020 vendu séparément pour la première fois, l’a été dès septembre 2021. C’est un millésime (assemblage de sauvignon blanc75 % et de sémillon 25 %) marqué par une grande précocité et aussi par sa rareté. 2020 est en effet la plus faible production enregistrée depuis de nombreuses années avec une réduction des volumes de l’ordre de 50 % par rapport à 2019.

*Parlant du millésime Château d’Yquem 2019, Pierre Lurton écrivait : avec seulement environ la moitié d’une récolte normale, nous avons décidé de libérer 95 % de la production, ce qui, nous le savons déjà, ne sera pas suffisant pour répondre à la demande.

 Une incroyable perfection

Vouloir décrire les parfums et les arômes d’Yquem, définir sa complexité, d’après Sandrine Garbay* qui fut maître de chai du château (remplacée en 2022 par Tony El-Khawand), c’est essayer de percer un mystère. Ce vin sublime que Frédéric Dard comparait à de la lumière bue raconte une histoire à travers son essence. On le décrit comme extraordinairement soyeux, équilibré entre douceur et fraîcheur, présent sans être oppressant avec cependant quelques touches d’amertume. Il possède surtout une incroyable persistance aromatique. Si dans sa jeunesse, le nez est marqué par l’abricot, la mandarine, les fruits exotiques et par des notes boisées comme la vanille et le pain grillé, avec l’âge, la palette aromatique devient immense. On est alors sur l’abricot sec, le pruneau, la marmelade avec des notes épicées comme la cannelle, le safran ou la réglisse et même florales (le tilleul).

*Sandrine Garbay fut maître de chai au Château d’Yquem pendant près de 25 ans. Elle est partie en 2022 pour prendre la direction générale de Château Guiraud à Sauternes sans avoir vue le premier millésime (2022) certifié en bio du Château d’Yquem.

Château d'Yquem. Les parfums d'Yquem représentés à l'entrée du chai
Château d’Yquem. Les parfums d’Yquem représentés à l’entrée du chai. Photo © François Collombet

A demander au comte de Lur-Saluces

Yquem fut d’abord une place forte tenue par les Anglais au XVe siècle, lorsqu’ils occupaient l’Aquitaine. Après le rattachement de la région au royaume de France par Charles VII, une lignée de notables locaux, la famille Sauvage en 1593, se voit octroyer les droits de tenue simple d’Yquem. Elle entreprend alors, la construction du château et constitue le vignoble actuel en le sélectionnant parcelle par parcelle. On fait donc du vin à Yquem depuis des siècles mais sa réputation mondiale est plus récente puisqu’elle ne date que du milieu du XIXe siècle. Ce vin eut la chance extraordinaire de tomber en 1785, dans l’escarcelle de la célèbre famille des Lur-Saluces. C’est à cette date en effet que Françoise Joséphine de Sauvage d’Yquem, dernière héritière de la lignée épousait le comte Louis Amédée de Lur Saluces. Deux ans plus tard, en mai 1787, Thomas Jefferson (futur président des Etats-Unis) se rendait à Yquem. A son retour à Philadelphie, il commanda au consul de Bordeaux, trente douzaine de bouteilles d’Yquem pour le président Georges Washington (et dix douzaine pour lui-même) à demander au comte de Lur-Saluces car précisa-t-il c’est un vin excellent qui semble avoir agréé le palais des américains plus qu’aucun vin que j’ai jamais vu en France.

Yquem, une allure de château fort dans les vignes. Photo © François Collombet

Pierre Lurton au service d’Yquem

Pierre Lurton en 2023, président du Château d’Yquem, de Cheval Blanc (Saint-Emilion) et de Cheval des Andes à Mendoza en Argentine. Photo © François Collombet

A la tête du château, pendant six générations, les Lur Saluces n’eurent de cesse que de préserver, défendre et améliorer un patrimoine de plus de quatre siècles. C’est eux qui portèrent ce vin au zénith faisant d’Yquem un cru mythique. Mais après 35 ans passés au service d’Yquem, le comte Alexandre de Lur-Saluces dut en 1999 passer la main, abandonner la légende d’Yquem à d’autres. Il vécut replié sur ses terres du château de Fargues en Sauternais. Il est mort à Fargues le 24 juillet 2023. Yquem est sous le contrôle de LVMH (Moët Hennessy Louis Vuitton) avec Bernard Arnault, l’une des toutes premières fortunes du monde, comme actionnaire principal. En 2004, il confiait Yquem à Pierre Lurton issu d’une grande lignée de viticulteurs bordelais : lorsque je déguste, dit-il, je crache le Cheval Blanc mais, à Yquem, je bois. Ce passionné de viticulture s’était en effet  vu confier la responsabilité du château Cheval Blanc, le grand voisin de Saint-Emilion et un autre prestigieux domaine, à une belle chevauchée de là, Cheval des Andes… à Mendoza en Argentine. D’ailleurs Pierre Lurton nommait en 2020 Lorenzo Pasquini directeur de production du Château d’Yquem. Il fut l’un des 4 mousquetaires de Cheval des Andes (50 magnifiques hectares au pied des Andes sur le terroir de Las Compuertas à Mendoza en Argentine) avec Roberto de la Mota, grand œnologue argentin, Nicolas Audebert (Rauzan-Ségla) et Gérald Gabillet d’Angélus.

Cheval des Andes à Mendoza (Argentine), l’un des plus grands crus d’Amérique du Sud. (dico-du-vin.com)

Dans les chais d’Yquem. Photo © François Collombet

Ces bouteilles qui brûlent des étés d’autrefois

Les étés d’autrefois brûlent dans les bouteilles d’Yquem écrivait le romancier François Mauriac en voisin de Malagar sur l’autre rive, dans Le Baiser au lépreux. Il faut admettre que les noms qui inspirent autant de respect sont très rares de part le monde. Si chaque bouteille peut atteindre une petite fortune, il faut savoir qu’Yquem est aujourd’hui, l’un des vins blancs le plus cher du monde dont raffolent les nouvelles fortunes de la planète. A titre de preuve, les 85 000 € atteint en 2011 pour un millésime 1811, année il est vrai de l’apogée de l’empire napoléonien. Grandeur et éternité !

Les grands millésimes 

« Yquem, c’est l’une des façons les plus élégantes de voyager dans le temps » Pierre Lurton

…1825, 1847, 1865, 1870, 1893, 1904, 1921, 1937, 1947, 1959, 1967, 1970, 1971, 1975, 1976,1988, 1989, 1990, 1995, 1996, 1997, 2000, 2001, 2005, 2007, 2009, 2011, 2015

Yquem et son jardin d’agrément. Photo © François Collombet
Yquem 1976
Château d’Yquem millésime 1976
Le château d’Yquem surplombant son vignoble. Ici, le sémillon domine à hauteur de 75 % (25 % pour le sauvignon blanc). Le rendement est de 9hl/ha.

« Pour moi, la notion de risque, essentielle ici, consiste à pousser l’exigence le plus loin possible. Ainsi, 1967 est une année où le Château a pris tous les risques pour créer un millésime mythique. C’est cette audace qui nous distingue. » Pierre Lurton

François

  • 1990 – Les grands vins du monde, préfacé par Gérard Depardieu. 
  • 1992 – Grands et petits vins de France, préfacé par Jean Carmet.
  • 1996 – Le guide des grands et petits vins de France, préfacé par Alain Favereau.
  • 2000 – The Flammarion Guide to World Wines
  • 2013 – Les vignobles mythiques, aux éditions Belin préfacé par Pierre Lurton (Cheval Blanc et Yquem).
  • 2014 – Prix Amunategui-Curnonsky décerné par l’APCIG (association professionnelle des chroniqueurs de la gastronomie et du vin).
  • 2016 – Cépages & Vins aux éditions Dunod.
  • 2020 – Cépages & Vins, nouvelle édition, éditions Dunod.

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